Mais je m’indigne, pardi!
Dans un pamphlet antisioniste écrit quelque temps avant son décès, Stéphane Hessel demandait à la jeunesse de s’indigner.
Je ne suis plus si jeune mais, pardi, je m’indigne!
Nous sommes en 2017, dans le XXIème siècle. Le siècle précédent, le XXème, avait commencé, en France, dans les affres d’une affaire concernant un officier juif de l’armée française, le Capitaine d’Artillerie Alfred Dreyfus, accusé d’intelligence avec l’ennemi. L’affaire était en fait assez banale. Des informations militaires sensibles, sans être d’une importance fondamentales non plus, étaient communiquées à l’attaché militaire de l’Ambassade d’Allemagne en France et la découverte de ces communications avait mené à une enquête. De façon très légitime, le Capitaine Dreyfus est placé sur la liste des suspects. En tant qu’artilleur et surtout stagiaire à l’Ecole de Guerre, il fait partie de ceux qui ont pu avoir accès aux informations transmises à l’Allemagne. Il est originaire d’Alsace, à ce moment là occupée par l’Allemagne et peut donc avoir, par sa famille restée en Alsace, des relations avec les Allemands. Reste la question du mobile. Et c’est là que cette banale affaire d’espionnage prend tout à coup une tout autre dimension. Le Capitaine Dreyfus est Juif. Ce simple fait suffit à fournir le mobile: En tant que Juif, le Capitaine Dreyfus est considéré comme un traître héréditaire d’une vénalité atavique. Il est donc évident qu’il est coupable.
Les préjugés antisémites d’une partie de la population française, et notamment au sein d’une armée encore très catholique et anti-républicaine, deviennent des preuves à part entière qui justifient l’acharnement contre le Capitaine Dreyfus alors qu’il devient rapidement évident qu’il est innocent puisque le véritable auteur est le Commandant Walsin Esterhazy qui trahit contre rémunération. C’est même la dégradation du Capitaine Dreyfus et les invectives antisémites de la population à ce moment là qui poussent Theodor Herzl, pourtant partisan de l’assimilation des Juifs en Europe, à théoriser la création d’un Etat indépendant pour les Juifs. Ainsi naquit le XXème siècle français: sous les cris de haine et les préjugés antisémites de l’Affaire Dreyfus en France qui provoquent l’établissement politique du sionisme.
Entre ce début de XXème siècle et notre époque, pour ne parler que de la France, on a eu l’antisémitisme nationaliste des années 30, puis on a eu la déportation de 75 721 juifs dont 11 000 enfants vers les camps d’extermination nazis, avec les expropriations et les spoliations de biens qui vont avec, puis on a accueilli des juifs expulsés des pays du Maghreb, puis on a eu les attentats palestiniens et du Hezbollah, et maintenant on a les attentats islamistes, sur fond d’antisémitisme « antisioniste » venant de tous côtés, de gauche, d’extrême-droite, musulman, chrétien y compris dans des institutions qui ont sauvé des juifs pendant la guerre, même juif, parfois! Et là, je ne fais qu’un résumé bien étriqué, sans rentrer dans le détail des assassinats barbares, des profanations de sépultures, de meurtres d’enfants, d’attentats
Aujourd’hui, en 2017, on assiste, médusés, à des attaques physiques meurtrières contre des Juifs, à des violences et des extorsions antisémites, à des pièces de théâtre antisémites, à des manifestations antisémites dans les rues de Paris, à un développement du négationnisme, à une prolifération de sites web et comptes Youtube antisémites et négationnistes. En France, en 2017, une jeune maman juive hésite à donner son nom de famille « trop séfarade » lors d’une réservation d’hôtel parce qu’elle veut pouvoir être une cliente exigeante sans s’attirer des préjugés antisémites. En France, en 2017, les Juifs hésitent à revêtir la kippa pour ne pas être stigmatisés.
Et encore une fois, l’antisémitisme français pousse les Juifs à envisager de partir vers l’Etat des Juifs. Mais notre haine et nos préjugés vont aussi les chercher là-bas, en Israël, sur leur terre historique, leur contestant un quelconque droit sur une terre dont on reconnaît pourtant implicitement leur provenance, en les appelant Juifs qui vient du latin Judaeus qui signifie « de Judée ». Le « Juif errant » dont on stigmatisait l’absence de racines européennes a été remplacé par « l’Israélien » qui revendique ses origines géographiques et historiques mais la charge de haine est exactement la même, si elle n’est pas en fait pire. Israël cristallise l’antisémitisme sous un masque antisioniste qui ne trompe que les idiots. Et toute défense d’Israël, que dis-je, toute protestation légitime contre la propagande anti-israélienne est vilipendée. En France, en 2017, défendre Israël revient à être accusé d’être vendu au sionisme financier mondial. En France, en 2017, un médecin hospitalier juif est stigmatisé par ses subordonnés à cause de la politique d’Israël. En France, en 2017, un employé non-juif d’un grand groupe d’assurances qui proteste contre des mails anti-israéliens envoyés par la messagerie professionnelle de l’entreprise est convoqué par sa direction et sommé de se taire alors que l’auteur des mails est protégé. Et que l’on ne me dise pas que tout cela est faux, ce sont des témoignages de première main et même des expériences personnelles.
Comme au début du XXème siècle avec l’Affaire Dreyfus, on retrouve cette volonté acharnée de mensonge assumé, justifié, même protégé parce que le mensonge contre les Juifs et contre Israël a tout de même force de preuve. On dénonce un Apartheid qui n’existe pas. On dénonce une colonisation stoppée depuis 25 ans. On dénonce un blocus qui n’existe pas. On dénonces des meurtres de masses qui n’ont pas lieu. On dénonce des crimes de guerre qui n’ont pas eu lieu. On dénonce un extrémisme officiel qui n’existe pas. On dénonce des complots mondiaux qui n’existent pas. Et on dénonce comme mensonge un crime contre l’humanité dont les preuves sont toujours enfouies dans des fosses communes en Ukraine, à quelques mètres de villageois qui savent très bien qu’elles sont là parce qu’ils ont assisté aux exécutions.
Je m’indigne contre la haine du Juif. Je m’indigne contre la haine d’Israël. Je m’indigne contre le mensonge devenu vérité tant qu’il concerne les Juifs. Je m’indigne contre le travestissement de la vérité en mensonge pour justifier la haine du Juif et d’Israël.
Et au passage, je m’indigne contre ce pamphlet antisioniste qui exige que nous nous indignions sur la base de ces mensonges justifiés et de ces vérités dénigrées, surtout quand son auteur a connu le résultat de ces mensonges, qui ont souillé l’Europe du sang, des larmes, de la souffrance, des déportations des Juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale, dans l’indifférence générale comme toujours.
On est en France, en 2017, après tout ce que la France et l’Europe ont vécu au XXème siècle. Et malgré tout, un débat présidentiel est confisqué par les Nationaux-Socialistes et les Communistes, comme dans les années 30. Et malgré tout, la haine du Juif est plus virulente et plus mensongère qu’elle ne l’a jamais été depuis les pogroms ukrainiens et polonais de 1945-1946.
Je m’indigne. Et je ne suis pas près de cesser de m’indigner. Je refuse de laisser faire. Je refuse que l’on revive une histoire qu’on a pas su apprendre. Nous devrions encore sentir l’odeur de la mort des Juifs d’Europe. Nous devrions encore voir les larmes des enfants arrachés à leurs mères. Nous devrions encore sentir la chaleur des synagogues brûlées. Nous devrions encore sentir l’odeur de la poudre sur les fosses communes fraîchement refermées.
Cette fois, on se battra. Cette fois, les Juifs, que vous les appeliez Juifs ou Israéliens, ne seront pas seuls face à la bave sanguinaire de haine qui les traque. Cette fois, vous trouverez des non-juifs, des Nations, des Goys, des Mahal, aux côtés de leurs frères de Judée. On ne laissera pas faire et on se battra. La haine de la masse des antisémites sera combattu par l’amour du résidu des hommes libres.
« Chez l’ennemi, la nuit sera très dure, pour ceux qui pillent et qui tuent. » dit le Chant des Commandos. Qu’on se le tienne pour dit, c’est la mesure de mon indignation.
Pug