10 Mai 1940: le grand-père de Pug dans la guerre
Le 10 Mai est une date un peu particulière pour Pug. Le 10 Mai 1940, jour de déclenchement de l’offensive allemande contre la France, son grand-père, le Maréchal des Logis Elie G., du 71ème Groupement de Reconnaissance de Division d’Infanterie (71ème GRDI) a écrit à sa femme une petite lettre qui en dit très long. Dans le récit qui suit, Pug explique le contexte de cette lettre et imagine dans quelles circonstances elle a été écrite.
Dans la soirée du 9 mai 1940, un attaché militaire néerlandais en poste à Berlin, le Major Gijsbertus J. Sas, reçoit un coup de téléphone du colonel Hans Oster de l’Abwehr, les services de renseignements militaires de la Wehrmacht. Le colonel Oster est un de ces très nombreux officiers allemands qui méprise les nazis et travaillent en secret à saboter les plans d’Hitler, d’autant que l’idée d’attaquer la Hollande, considérée par beaucoup d’allemands comme une nation « sœur » ne réjouit que certains fanatiques du 3ème Reich.
Après avoir, à plusieurs reprises, informé son ami le Major hollandais Sas de l’imminence de l’attaque allemande à l’ouest, le colonel Oster a le ton de voix très sombre lorsqu’il prononce cette courte et terrible phrase : « Demain, à l’aube ».
Le Major Sas transmit immédiatement l’information à sa hiérarchie et au gouvernement de la Reine Wilhelmine qui mirent aussitôt les forces néerlandaises en alerte. La France, la Belgique et le Royaume-Uni, également informés, ne jugèrent pas cette information plus crédible que les nombreuses fausses alertes précédentes et ne bougèrent pas.
A 3 heures du matin, des bruits lourds et nombreux de moteurs d’avions envahirent le ciel hollandais et, après une feinte qui fit croire aux hollandais que les allemands attaquaient l’Angleterre, la Luftwaffe commençait le bombardement des terrains d’aviation et des installations militaires néerlandaises. Dans la foulée, vers 4h30, des avions Junkers 52 larguaient des « Fallschrimjager », des parachutistes et débarquaient des commandos sur Rotterdam, la Haye et près des principaux aérodromes.
Fall Gleb, le plan jaune, mis au point par le général Erich Von Manstein et copieusement annoté par Hitler en personne, venait d’entrer en action.
4h30, c’est également l’heure où, dans la brume d’un froid matin de printemps, les premières lignes françaises, sur la ligne Maginot, entendent les mêmes vrombissements des moteurs Jumo des bombardiers Heinkel 111 allemands franchissant la frontière sur toute sa longueur, de la Belgique à la Suisse.
S’ils n’ont pas été mis en alerte, les équipages de l’Armée de l’air française ne sont pourtant pas surpris par cette attaque. La drôle de guerre n’a pas été tendre pour l’Armée de l’air et les pilotes de chasse français ont souvent croisé le fer avec les Messerschmitt Me 109 D aux croix noires. Les combats étaient réels et les pertes tout autant ! En décollant dès que les premières lueurs percent la brume, les chasseurs français sont même un peu trop confiants. L’épreuve de force a le plus souvent tourné en leur faveur et ils ne craignent pas l’affrontement.
Malheureusement, plusieurs facteurs vont rapidement renverser la tendance et les contraindre à une attitude presque exclusivement défensive. En premier lieu, l’attaque du 10 mai 1940 est massive. Toute la Luftwaffe, soit près de 4000 avions dont 1100 chasseurs, est concentrée sur le front ouest, alors que jusqu’ici, les allemands ne maintenaient que quelques unités de chasse en protection, alors que le gros des forces était en Pologne puis en redéploiement à l’ouest. Les unités allemandes qui affrontèrent les français durant les 9 mois de la drôle de guerre avaient pour mission de ne surtout pas provoquer une attaque française. En deuxième lieu, les français avaient affronté, durant ce même laps de temps, la version D du Messerschmitt Bf 109, une version utilisée dans les derniers remous de la Guerre d’Espagne et dont l’expérience permit de corriger plusieurs aspects de l’avion. Les Messerschmitt qui attendent les français à partir du 10 Mai 1940 sont la version E, surnommée « Emil », dotée d’un meilleur moteur, d’un armement plus dangereux et plus fiable. Alors que les avions français tenaient la comparaison avec la version D, ils sont largement surclassés par le Me 109 E aux mains de pilotes ayant fait leurs armes en Espagne et en Pologne.
Malgré quelques erreurs de ciblage dues à la brume, les Heinkel allemands placent leurs bombes sur 47 terrains français et sur la poignée de terrains anglais et belges, tandis que les chasseurs alliés décollent en catastrophe avec des avions dépassés, Morane-Saulnier MS 406, Bloch MB 152 et Curtiss H75 pour les français, Hawker Hurricane Mk I pour les belges et les britanniques. Dès que le soleil se mit à percer, dissipant définitivement la brume, les aviateurs alliés sont pris en étau par une chasse allemande agressive qui les surclasse en qualité technique et en nombre.
Au sol, sur les arrières de la ligne Maginot ou se trouve le 71ème GRDI, le bruit des avions emplit l’atmosphère et les coups de téléphone rageurs ne laissent aucun doute aux cavaliers. Cette fois-ci, il se passe quelque chose et chaque heure qui passe ne fait que confirmer l’ampleur de l’assaut. Quelques heures plus tard, dans la matinée, l’information tombe, les allemands ont envahi la Hollande et la 1èreArmée française entre en Belgique. Pour Elie et ses camarades qui s’activent pour mettre l’unité en ordre de marche, il n’y a plus de doute possible. La guerre vient de commencer et celle-ci sera tout sauf drôle…
Le plan français, savamment concocté par le Chef d’Etat-Major des Armées, le Général d’Armée Maurice Gamelin, prévoit de faire entrer l’élite de l’Armée française en Belgique, dès les premiers signes d’une attaque allemande. Il est prévu que les allemands, comme en 1870 et en 1914, attaqueront par la Belgique selon les plans de Schlieffen et de Von Moltke, l’éminence militaire du Kaiser. Pour contrer cette attaque, l’armée française entrera en Belgique et se positionnera sur une ligne allant de la Dyle, une rivière affluente de l’Escaut, jusqu’à la ville néerlandaise de Breda. Le Nord-Est de la France étant protégé par la ligne Maginot et par l’infranchissable massif des Ardennes, ce dispositif assurera que l’ennemi ne pourra pas mettre un seul pied sur le sol français.
Le 71ème GRDI, dans le dispositif de la 2ème Armée du Général d’Armée Huntziger, est positionné au sud de la charnière de la ligne Maginot et des Ardennes, là ou les allemands ne peuvent théoriquement pas pénétrer.
Le plan parait parfait. Les principales unités d’active de l’armée française, les mieux équipées et les mieux entraînées entrent en Belgique et stopperont l’avance allemande dès la frontière entre la Belgique et l’Allemagne et si la Wehrmacht tente une action sur la ligne Maginot, elle ne pourra que se casser les dents contre les nids de mitrailleuses, les tourelles fortifiées et les réseaux d’obstacles anti-char.
Pourtant, ce plan ingénieux souffre déjà dès les premières heures de combat. Les français, accompagnés par le Corps Expéditionnaire britannique (BEF) ont besoin de temps pour se déployer et comptent sur la résistance hollandaise et belge. En effet, la Belgique s’est dotée d’un système fortifié, notamment autour de Liège, pour protéger les ponts du Canal Albert qui donne un accès direct au Plat Pays. Au nord de Liège, surplombant le Canal Albert et interdisant toute pénétration dans ce secteur, le plus grand fort défensif moderne, le Fort Eben Emael est sensé tenir le rôle que tient en France la ligne Maginot. Lourdement armé, le Fort semble imprenable et invincible et c’est bien sur cela que compte les Alliés. Mais, loin d’être attaqué par des vagues immenses d’infanterie allemande qui se seraient lamentablement échouées sur ses flancs, le Fort est attaqué très audacieusement par une petite bande de parachutistes allemands, très bien équipés, très agiles et d’un courage à toute épreuve. Progressant par petits bonds, représentant des cibles insignifiantes pour les lourdes pièces d’artillerie du Fort, les commandos allemands faut sauter les casemates et les tourelles les unes après les autres, à coups de charges creuses qui percent les blindages et éliminent le Fort en quelques heures. Dès la fin du 10 Mai 1940, la défense de Liège est éventrée et les allemands tiennent des ponts précieusement stratégiques qui vont leur permettre de déverser leurs forces en Belgique à un rythme qui surprendra toutes les prévisions alliées. La bataille est d’ores et déjà mal engagée.
Bien sûr, le Maréchal des Logis Elie G. ne se doute pas de cette énorme défaite qui présage des mauvaises surprises que les allemands réservent encore. Pour lui, les nerfs se tendent brutalement, après ces neuf mois d’attente déprimante, et l’excitation est à son comble. La peur aussi. Ceux qui ont connu la guerre ne se réjouissent pas et des ombres noires passent dans les yeux du vieil adjudant-chef qui a fait les tranchées en 1918. Le bruit des avions est permanent et ceux-ci laissent dans le ciel de longues traînées blanches et parfois noires, témoins des combats aériens qui se déroulent. Peut-être Elie entend-il les coups sourds des bombes lâchées sur un aérodrome voisin et déjà, il voit la panique mêlée d’hystérie dans la population qui se souvient de l’arrivée des Ulhans en 1914. Le moment n’est pas aux fleurs dans les fusils ni à l’orgueil cavalier. C’est la guerre.
Un ordre aboyé par l’adjudant-chef le fait sursauter et il le transmet aussitôt aux brigadiers avec lui. Le 71ème GRDI se déplace avec la Division et va se rapprocher du front, dans la gueule du loup. Il essaie de maîtriser son esprit mais il y a tellement de choses qui se bousculent dans sa tête que c’en est douloureux. Georgette, là-bas à Bordeaux, enceinte et seule, sans son mari, qui risque de ne jamais savoir ce qu’il est devenu. Son père et sa famille qui vont mourir d’inquiétude. L’obsédant souvenir du père de Georgette, dont le cœur est perpétuellement menacé par un éclat d’obus reçu à Verdun. Ou est donc Ruben, son petit frère, cavalier comme lui mais chez les hussards ? Comment le protéger ? « Mon enfant, est-ce que je te verrais un jour ? » pense t’il. La mort et son manteau noir semble déjà s’abattre sur lui. « Mon Dieu… »
La foi vient à son secours. Son Seigneur vient lui donner la force de continuer. Cette pensée le réconforte davantage qu’elle ne le calme. Pendant quelques secondes de paix, il réalise que Jésus est avec lui. Au milieu des bombes, des ordres hurlés, du sang collant, de la fumée ocre, il sait que, le moment venu, il entendra la voix de son Maître de la même façon que l’illustre prophète dont il porte le nom entendit la voix de Dieu sur le Mont Sinaï, après la tempête et le feu.
« Elie !! On n’a pas que ça à foutre ! Bouge toi !! » hurle l’adjudant-chef, le tirant de cet instant paisible. La guerre est là, on n’y échappe pas. Avant d’obéir, Elie tire brusquement de sa besace une feuille de papier et une enveloppe. D’habitude, il écrit par la Poste aux Armées mais il craint que celle-ci ne soit déjà désorganisée. Aussi vite qu’il le peut, il griffonne quelques mots pour Georgette :
« 10 Mai 1940
Mon amour
Juste un petit mot à la hâte
Ne t’occupe pas de l’adresse qui est sur l’enveloppe. Nous partons ou tu sais vu les évènements.
Tout est entre les mains du Seigneur ma chérie et bon courage, j’écris par lettre civile pour qu’elle te parvienne plus tôt. Pardonne mon écriture je suis trop énervé pour écrire mieux, à bientôt si ce n’est dans le ciel.
Mille baisers de ton Lili »
Par cette lettre, aussi émouvante qu’effrayante, Elie remet sa vie entre les mains de son Créateur et prépare déjà sa bien-aimée au destin terrible qui pèse sur chaque soldat en guerre.
Il plie la lettre mais, juste avant de le fourrer dans l’enveloppe, il ne peut pas s’empêcher de s’accrocher à la vie et à son Seigneur et de transmettre cet infime espoir à sa Georgette. Il griffonne à nouveau, en travers, en haut de la page :
« Il en tomberas mille à ta droite, mille à ta gauche, mais toi, tu seras épargné. Loué soit notre Seigneur, il vient bientôt »
Il ne le sait pas encore mais ce verset qu’il cite est prémonitoire. La Bataille de France coûtera la vie à près de 100 000 soldats français en deux mois de combats, soit un taux de pertes supérieur aux pires moments de la bataille de Verdun en 1916. La Bataille de France sera l’une des plus cruelles de l’histoire. Il ne peut pas le savoir. Pas plus qu’il ne peut savoir à quel point cette armée française va s’effondrer.
Lorsque vient la nuit de ce 10 au 11 mai 1940 et qu’il peut enfin se sentir un peu en sécurité dans le refuge de l’obscurité, il s’effondre sur le sol tout habillé et s’endort comme une masse. Peut-être, dans les premières phases du sommeil, entend-il le lointain vrombissement de quelques avions. Mais il est trop fatigué pour y accorder une quelconque attention.
Dans le lointain, trois Potez 63-11 de l’Armée de l’air partent en reconnaissance au-dessus du front. Ils sont les yeux et les oreilles de l’Etat-major qui compte sur eux pour établir les positions des unités amies et ennemies et éventuellement détecter des mouvements particuliers de l’ennemi.
Les trois avions survolent la Meuse et se séparent pour survoler la forêt des Ardennes en divers endroits. Au delà, ils espèrent survoler la frontière entre la Belgique et l’Allemagne et rapporter les mouvements de troupes. Et ils ne vont pas en croire leurs yeux…
En effet, la forêt des Ardennes, que le Maréchal Pétain avait autoritairement déclarée infranchissable, grouille de lueurs de phares électriques de véhicules. Les aviateurs n’ont aucun mal à reconnaître le type de véhicules : des Panzerkampwagen de type II et III, mieux connus sous le diminutif Panzer, des chars d’assaut. Des milliers de Panzer et de camions de mécanique, de pièces détachées, de communication, de munitions ou de transport de troupes. Les aviateurs font plusieurs passages et confirment à chaque fois leurs observations. A perte de vue, la forêt des Ardennes grouille de chars d’assaut, de camions et de soldats de la Wehrmacht avec leur équipement, des canons anti-aériens de 88mm, des canons d’artillerie de campagne, des canons anti-chars, des autos-mitrailleuses, des affuts anti-aériens de 37mm. Plusieurs armées allemandes, lourdement blindées, se dirigent vers la Meuse, à la charnière entre la ligne Maginot et la 1ère Armée en Belgique.
Revenus à leur base, épouvantés, les aviateurs transmettront leurs observations en communiquant de nombreux chiffres d’évaluation et des détails. Mais personne, pas même leur propre hiérarchie ne les croira. La nuit suivante et encore celle d’après, de nouveaux équipages feront l’alarmante constatation mais on leur opposera toujours le dogme du Maréchal Pétain : « Le massif des Ardennes est impraticable aux chars et infranchissable par une armée mécanique. » Un ancien officier des chars, connaisseur averti, reconverti dans la reconnaissance aérienne viendra appuyer les observations, sans davantage de succès et l’on menacera même les aviateurs de sanctions s’ils insistent. « Tout au plus » leur répond-t’on de façon hautaine, « il s’agit de quelques motocyclistes de reconnaissance ! »
Pendant ce temps, dans les Ardennes, ce ne sont pas moins de 41 000 véhicules militaires allemands qui se presseront sur trois routes forestières des Ardennes, créant le plus grand embouteillage de l’histoire et formant un flux interrompu depuis la frontière allemande jusqu’aux bords de la Meuse. Ce gigantesque embouteillage bloqua même l’avance allemande puisque ce n’est que le 14 Mai qu’ils furent en mesure de franchir la Meuse. Quatre jours d’embouteillage ou ils étaient entièrement à la merci de l’aviation et de l’artillerie française, sans pouvoir avancer ni reculer.
Ce 14 mai, lorsque les combats s’engagent sur la Meuse, sur laquelle les sapeurs allemands construisent des ponts flottants et qui permettent aux Panzer de déboucher sur la rive Sud, le plan « Fall Gleb » abat sa dernière carte. Alors que les franco-anglais sont malmenés en Belgique, que les hollandais capitulent après seulement 4 jours de combat et que les belges ne sont pas mieux lotis, les divisions blindées du Général Heinz Guderian (qui s’inspiraient des thèses d’un certain colonel Charles de Gaulle) débouchent au sud de la Meuse, repoussent la 2ème Armée d’Huntziger au sud et se ruent comme des bêtes sauvages sur la 9ème Armée de Corap à l’ouest, qui cède deux jours plus tard, ouvrant la voie à une course vers la mer. Guderian entame ainsi le « coup de faucille » que souhaitait Hitler, encerclant la 1èreArmée et le BEF en Belgique et les coupant de leur approvisionnement, de leurs communications avec leurs états-majors et surtout, de tout espoir de repli ou de redéploiement. Les fers de lance des armées françaises et britanniques, avec leurs matériels les plus modernes, se trouvent graduellement pris au piège et acculés à partir du 28 mai dans une poche autour de Dunkerque ou quelque centaines de milliers parviendront sous les bombes à embarquer dans des navires pour l’Angleterre et à s’échapper.
Le Général d’Armée Maxime Weygand, qui remplace Maurice Gamelin depuis le 19 mai, et qui est déjà profondément défaitiste sous l’influence du Maréchal Pétain qui œuvre dans l’ombre au niveau politique, tentera assez vainement de réunir suffisamment de forces pour créer une ligne de défense sur la Somme et sur l’Aisne, profitant d’une pause dont les Allemands ont besoin pour se réorganiser après leur guerre-éclair éreintante en Belgique. Le 4 juin, les allemands attaquent avec toutes leurs forces les restes de l’armée française disposés en « désordre de bataille » dans un espoir minime de protéger Paris.
Las, les défenses françaises ne pourront résister qu’à 5 jours de combats et le 9 juin, la Wehrmacht perce le front sur l’Aisne et l’effondrement qui s’en suit est général. Le gouvernement de Paul Reynaud comprend la situation et décide d’abandonner la capitale le 10 juin pour se réfugier à Tours puis à Bordeaux. Les allemands entrent dans Paris, déclarée Ville Ouverte, le 14 Juin, dans un silence assourdissant et poursuivent leur avance vers le sud sur deux axes majeurs, l’un à l’ouest vers Bordeaux et l’autre à l’est vers Lyon. Ils ne s’arrêteront que le 22 juin, lorsque les français signeront un armistice, deux jours seulement après la capture d’Elie à Haroué. L’homme qui signera cet armistice et livrera Elie, parmi le million et demi de prisonniers, aux Allemands ne sera autre que le Général d’Armée Huntziger commandant la 2ème Armée à laquelle appartenait le 71ème GRDI.
Avant cela, Elie aura connu la terreur au son des Stukas qui bombardent en piqué, il aura croisé des milliers de familles françaises fuyant les allemands la peur au ventre. Il aura connu la faim, la privation de sommeil, la peur d’être capturé et l’adrénaline qui emballe le cœur. Encerclé avec des milliers de soldats français dans le nord-est de la France, sans espoir de salut ou de retraite, il n’écrit plus à Georgette depuis le 9 juin, date de l’effondrement du front. L’état-major du 71ème GRDI est capturé ce jour-là et il n’existe pas de trace de ce qui s’est passé réellement pour Elie dès lors et jusquà sa capture le 20 Juin. On ne peut que le supposer et faire des hypothèses.
Deux choses, cependant, sont avérées à la fin de la Bataille de France. En premier lieu, le « Fall Gleb », le plan jaune d’Hitler a parfaitement fonctionné, sans doute au-delà même de ses propres espérances. Personne n’aurait sérieusement pu prévoir un si retentissant effondrement militaire, politique et moral de la France en quelques semaines et seul des esprits éclairés comme Winston Churchill et Charles de Gaulle comprirent que l’effondrement français entraînait le monde dans une atroce guerre mondiale ou les limites de la barbarie humaine seraient repoussées.
En deuxième lieu, comme il l’avait écrit à Georgette d’une main tremblante et énervée alors que Fall Gleb commençait, il en est tombé mille à sa gauche et mille a sa droite mais Elie a été épargné. Nul doute que, au fond de sa prison de la Caserne Blandan de Nancy, en attendant d’être fixé sur son sort de prisonnier de guerre, Elie aura répété dans son cœur ce qu’il avait également écrit à Georgette : « Loué soit le Seigneur, il vient bientôt ».
Pug