Bachar ou Daesh?

La guerre de l’Etat Islamique (simplisme volontaire pour résumer les choses parce qu’il serait long de réciter la liste des ennemis de l’Etat Islamique) est de plus en plus insupportable et elle nous touche de plus en plus.

Non, ce ne sont pas les 250 000 morts de 4 ans de guerre qui nous chagrinent.

Non, ce ne sont pas les cruautés, barbaries et autres attaques chimiques qui nous révulsent.

Non, ce n’est pas le nettoyage ethnique des chrétiens, yazidis et kurdes de Mésopotamie qui nous révolte.

Non, ce ne sont pas les destructions systématiques de patrimoine archéologique inestimable qui nous mobilisent.

Ce qui nous est insupportable, après tout ça, c’est l’afflux de migrants/réfugiés qui frappent à nos portes et veulent squatter nos pelouses. Ce qui nous pose problème, c’est que notre confort soit remis en cause. Confort culturel, moral, social, matériel mais confort tout de même.

Souffrez que je me gausse d’un gloussement sarcastique et très amer en voyant les appels à l’action éplorés et les gesticulations pathétiques de tous ces braves occidentaux, dirigeants de tous bords politiques en tête, qui n’ont en rien eu à foutre de la Syrie pendant 4 ans, qui n’en ont eu rien à cirer des chrétiens d’Irak, qui se battent la raie des Kurdes et qui se pignolent le barreau de chaise devant la destruction et le saccage de l’histoire des hommes mais qui réagissent avec des grands yeux scandalisés et des trémolos dans la voix parce qu’un étranger vient d’abîmer leur clôture.

Et ces braves âmes bousculées pendant leur RTT par la photo d’un enfant mort et par une vague inattendue de migrants réagissent maintenant avec les pires des motivations: l’égoïsme et la peur.

Fermer les frontières? Avez-vous oublié en 1940-1944 les milliers de réfugiés qui ont traversé les cols pyrénéens ou alpins à pied, pourchassés par la gendarmerie nationale et la Milice, pour se réfugier en Espagne ou en Suisse plutôt que de rester entre les griffes du Reich ou de Vichy? Je n’habite pas très loin du col du Pourtalet, pour ma part!

Construire des camps pour accueillir les réfugiés en attendant une solution pérenne? Avez-vous oublié Gurs, Aix-les-Milles, Rivesaltes ou le Barcarès, construits pour les réfugiés espagnols et devenus d’insalubres et scandaleux trous à rats dans lesquels Vichy a parqué les « indésirables » en premier lieu les juifs?  Je vais souvent à Gurs me souvenir de tout ça, pour ma part.

Installer des clôtures de barbelés? Avez-vous oublié les Berlinois de l’Est défiant les barbelés, les champs de mines et les tirs de gardes-frontières pour passer à l’ouest? Je n’étais qu’adolescent lorsque le Mur de Berlin est tombé mais je me souviens des images terribles de ces gens se déchirant le visage dans les barbelés pour échapper à la bande à Honecker!

Et le pire des cynismes est dans ceux qui, ces jours-ci, en appellent de plus en plus ouvertement à soutenir Bachar El Assad et à négocier avec lui pour vaincre Daesh et ainsi mettre un terme au conflit et permettre à ces migrants/réfugiés de rentrer chez eux sans qu’on ait eu besoin de partager notre pain avec eux.

Ce sont Daesh les pires, nous dit-on, c’est donc eux la priorité! Même s’il faut parler avec Bachar…

Je ne discuterais pas la décision du Président de la République d’entamer une campagne aérienne contre Daesh en Syrie. La décision est prise et c’est maintenant le temps de l’action et non plus celui des questions.
J’affirme ici l’entier et plein soutien des CGQDI, collectivement et à titre individuel aux équipages de l’Armée de l’air et de l’Aéronautique Navale qui vont entrer en action, ainsi qu’à toutes les unités qui, de près ou de loin, les soutiendront, avec une pensée particulière aux unités qui assureront si besoin la Recherche et Sauvetage au Combat, l’une des missions les plus périlleuses de toute campagne aérienne, et qui consiste à aller chercher en territoire ennemi un équipage abattu. Ce sont des hommes et des femmes d’une très grande valeur, qui font passer le devoir avant leur vie, auxquels nous sommes attachés et loyaux de par notre passé et notre mentalité et que nous ne trahirons pas par des palabres incessantes sur le bien fondé de leur mission. Tant qu’ils combattront, ils auront notre soutien sans discuter.

Mais je ne peux laisser passer les propos qui invitent insidieusement à copiner avec le régime d’El Assad, sous prétexte qu’on aurait un problème plus urgent.
Je me souviens du rôle syrien pendant la Guerre d’indépendance d’Israël de 1948, du rôle syrien pendant la Guerre des Six Jours de 1967, pendant la Guerre du Kippour de 1973, pendant la guerre civile libanaise débutée en 1975 et pendant l’opération Paix en Galilée de 1982. Je me souviens que ce régime a longtemps abrité des criminels contre l’humanité Nazis qui auraient du être traduits en justice pour leurs crimes. Je me souviens des exactions de la dictature d’Hafez El-Assad et je me souviens du désastre économique et humain de ce régime socialiste nationaliste à économie planifiée dont l’échec, partout dans le monde arabe, a provoqué le repli identitaire musulman qui se manifeste aujourd’hui sous la forme du fondamentaliste salafiste.

Je ne vais certainement pas reconnaître, en acceptant de discuter avec le régime El-Assad, la légitimité de ce régime national-socialiste qui ne fait que bouffer ses propres déjections ou approuver la décision d’Obama de retirer les troupes américaines d’Irak en 2011 alors que le gouvernement irakien le suppliait de ne pas le faire parce qu’ils étaient conscients de la montée en puissance de l’Etat Islamique. Il ne s’agit pas de refaire le passé mais la situation actuelle est le produit d’un long et lent pourrissement aux causes variées et ce n’est pas en prostituant à nouveau nos valeurs et nos principes que l’on rachètera les erreurs de l’Occident ou qu’on changera durablement la donne, tout simplement parce que l’essentiel de la responsabilité de ce désastre est à attribuer à 14 siècles de mentalité islamique conquérante et dominante, associée au nationalisme arabe radicalisé par les nazis et les soviétiques et surtout à l’échec assourdissant de la civilisation islamique à partir du 17ème siècle et au désastre marxiste au XXème siècle.

Et je refuse de répéter 100 fois les mêmes erreurs qui consistent à soutenir un chien enragé pour abattre un loup parce qu’on n’a pas le courage ou qu’on ne se donne pas les moyens de le faire de nos propres mains. Soutenir tacitement les Fascistes contre les communistes a mené à la Seconde Guerre Mondiale, soutenir Staline contre Hitler a scellé le destin de l’Europe de l’Est, soutenir l’islamisme pour nuire à l’URSS a mené au 11 septembre 2001 et ainsi de suite!

Une victoire de Bachar El-Assad vous satisferait? Il deviendrait du jour au lendemain, en reconnaissance de notre soutien, un fervent démocrate, ami d’Israël et pôle de stabilité dans la région pendant que le danger de l’Etat Islamique serait enfin écarté et que ces encombrants migrants/réfugiés pourraient rentrer chez eux?

Eh bien, moi, en cas de victoire d’El Assad, je prédis une répression féroce et impitoyable contre tous ceux qui, de gré ou de force, ont collaboré avec Daesh avec des milliers d’exécutions, de disparitions et d’emprisonnements arbitraires sous torture. Je prédis l’instauration d’une loi martiale d’une sévérité encore inconnue au Moyen-Orient, l’écrasement sans scrupules de toute velléité d’opposition politique et le renforcement inouï des pouvoirs de l’état et de l’armée. Je prédis la mise sous coupe réglée des minorités, surtout les Kurdes, brutalement désarmés et mis sous surveillance rapprochée avec persécution à la clé et ce, même s’ils ont peu ou prou été des alliés d’El Assad contre Daesh.

Mais surtout, je prédis ce qui est évident: la victoire de l’alliance Russie-Iran-Syrie, donnant la Russie grand vainqueur au niveau mondial et avec un prestige rehaussé d’avoir participé au combat contre le monstre islamique, offrant à l’Iran une bombe nucléaire et surtout les 150 milliards de dollars gelés depuis la chute du Shah et qui vont lui permettre de renforcer encore davantage ses pouvoirs dans la région, faisant rapidement tomber l’Irak dans son escarcelle et de préparer la conflagration majeure entre le monde Chiite et ses alliés et le monde Sunnite et ses alliés.

Que manque t’il à l’Axe Moscou-Téhéran-Bagdad pour obtenir une victoire complète, permettre à la Russie de dominer totalement le marché du pétrole et du gaz, c’est à dire l’énergie mondiale, et permettre aux Chiites de dominer enfin les Sunnites, vengeance ultime de la défaite de Kerbala en 680 par le soulèvement des régions pétrolifères de la Péninsule Arabique à majorité chiite, ce qui permettrait même de rêver à la fin de la dynastie Saoud et au retour des Chiites à la Mecque en vainqueurs?

-La victoire d’El Assad contre Daesh
-Le ralliement officiel de l’Irak
-Une victoire militaire, politique ou même simplement symbolique contre Israël, affirmant ainsi que le Sunnisme hérétique n’avait pas la faveur d’Allah.

Sombre tableau, me direz-vous, mais concrètement, je propose quoi? Je propose de construire une coalition internationale basée sur la force de combat des troupes françaises américaines, britanniques, canadiennes et australiennes, appuyées sur une force de soutien composée de ces mêmes pays mais avec l’adjonction d’autres pays européens, l’Egypte et la Jordanie ainsi que l’Inde et avec pour mission d’écraser toute force combattante, régulière ou non, entre la frontière libanaise et l’Euphrate et en coordination avec Israël pour détruire le Hezbollah et toutes les factions armées palestiniennes, sans exception.
L’objectif est simple: Destruction de tous les groupes armés islamistes entre la Méditerranée et l’Euphrate et capitulation inconditionnelle de la Syrie. Lorsque cet objectif sera atteint, les fonctions civiles et le personnel de l’état syrien actuel seront maintenus et renforcés, le pouvoir civil sera confié à un gouvernement d’union nationale, comprenant même d’anciens baasistes, chargé d’assurer les affaires courantes pendant la reconstruction, la pacification et la stabilisation de toute la région, même si ça doit prendre 40 ans, et la défense et le maintien de l’ordre seront assurés par les forces alliées d’occupation, comme nous l’avons fait en Allemagne après 1945.

Je sais, ce n’est pas demain la veille et c’est totalement irréaliste dans le contexte actuel de l’opinion publique occidentale et du rapport entre les différentes puissances mais ça a pourtant bien marché avec l’Allemagne et le Japon après 1945 et tout autre solution, y compris celle de filer un coup de main en douce à ce régime syrien dont je n’oublie aucun des crimes, m’apparaît comme une insupportable compromission par lâcheté et par ambiguïté morale, au moment même de notre histoire où nous devons retrouver et affirmer fermement nos valeurs, quoiqu’il nous en coûte en termes de rapports avec la Russie, en termes de prix du baril ou en termes de taux du Dow Jones.

Alors s’allier à Bachar ou à Daesh? Aucun des deux parce que je plaide pour ma part pour la constitution officielle d’une Alliance de la Liberté composée de la France, des USA, du Royaume-Uni, de l’Inde, du Canada, d’Israël, du Japon, de l’Australie, de la Nouvelle Zélande et ouverte à tout pays du monde qui rejoint nos valeurs.

« Tu es fou, Pug! » Je sais, je soutiens Israël! A notre époque, il faut être un peu largué du neurone pour faire ça!

Pug