Ce Grand Satan de Bush
Je comprends bien que beaucoup, aujourd’hui, voient Vladimir Poutine comme une espèce de chevalier blanc de l’Occident qui vient réparer les désastres laissés derrière lui par le diable incarné, j’ai nommé Georges W. Bush.
Tout est de la faute de Bush, on le sait bien ! L’AFP et la presse française à la légendaire impartialité nous l’ont assez répété ! La Gauche française dans son entier, des plus rouges aux plus roses en passant par les plus verts et en teintant les orange et les bleus, voire même très bleus, nous l’a assez martelé. Cet infâme texan ridicule, parfois dyslexique, bête comme un cow-boy, n’existant que par ses dollars, son pétrole et le nom de son père, mu par une haine féroce de tout ce qui ne bouffe pas de hamburger est le principal – voire le seul – responsable de la destruction du Moyen-Orient qu’il faut maintenant réparer, avec les nobles efforts de ce gentil, courageux, désintéressé et prestigieux président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine.
Tout était tellement idyllique en Irak et en Syrie avant que Bush n’y mette ses sales pattes de yankee impérialiste! Un vrai décor des Mille et une nuits où tous chantaient le Rêve Bleu d’Aladdin dans une merveilleuse et heureuse insouciance, avant que ces Marines et Rangers sortis d’Hollywood ne décident, pour leur amusement personnel, d’y mettre un bazar monstrueux !
Les guerres syriennes contre Israël ? Les conseillers Nazis de Hafez El-Assad ? La répression policière, la dictature, les meurtres d’opposants, le soutien au terrorisme ou encore le jeu cynique joué au Liban, utilisé comme plate-forme de haine antisioniste que l’on maintient en guerre civile pour ses intérêts et que l’on domine par impérialisme ? Ne nous emmerdez pas avec ce genre de détails ! Tout allait bien en Syrie !
Les guerres irakiennes contre Israël ? La dictature, la torture, la répression ? La guerre Iran-Irak a 1 million de morts pour un résultat nul ? La guerre chimique avec l’Iran débouchant sur une course à l’armement nucléaire ? Le massacre chimique des Kurdes d’Halabja ? L’invasion du Koweït par impérialisme et pour ses propres intérêts ? La rébellion permanente contre les inspections de l’AIEA ? Le lent glissement vers des propos de plus en plus islamistes ? Mais arrêtez de nous emmerder avec ces détails ! C’était le bonheur aussi en Irak ! La preuve ? Les chrétiens n’étaient pas massacrés ! Que voulez-vous de plus ? Non, admettez-le ! Si cet enfoiré idiot de Bush n’avait pas joué les Robocop au Moyen-Orient, ce serait le Jardin d’Eden entre la Méditerranée et l’Euphrate !
Trêve de sarcasmes, je suis sidéré par ce genre de propos qui, même s’ils ne sont pas aussi outranciers que mes sarcasmes, en viennent à peu près aux mêmes conclusions.
A toutes les personnes qui estiment cyniquement que les dictatures de El-Assad et de Hussein étaient des paradis à protéger et à laisser en l’état, je vous le dis clairement : vous me faites penser aux vieux collabos qui glissaient toujours, au détour d’un récit de leurs jeunes années : « Au moins, avec Hitler, il y avait de l’ordre en Allemagne ! » ou encore « Travail, Famille, Patrie, c’était un beau programme ! »
Notre beau pays de France s’est-il à ce point appauvri en termes de rêves, d’idéaux et d’espoir pour ne souhaiter aux Syriens et aux Irakiens que des monstres sanguinaires dangereux qui utilisent des gaz contre leur population et mentent au monde entier pour jouer des coudes sur la scène internationale ? Le pire, dans ce genre de propos, est que l’on critique le fait d’avoir déboulonné Saddam Hussein, Muammar Kaddhafi et d’essayer de faire de même avec Bachar El-Assad au nom d’une stabilité des dictatures mais ce sont exactement les mêmes qui, aujourd’hui, réclament la sévérité, voire de l’action contre l’Arabie Saoudite et le Qatar pour leur soutien au terrorisme et leur double jeu. A les entendre, il n’aurait pas fallu toucher aux dictatures national-socialistes arabes mais on peut toucher aux théocraties national-religieuses d’Arabie et du Qatar parce qu’elles jouent un double jeu de subversion internationale et de soutien au terrorisme.
Avons-nous donc à ce point perdu la mémoire pour oublier ce qu’ont été la Syrie et l’Irak pendant les années 70, 80 et 90 ? Ces deux pays faisaient très exactement ce que font aujourd’hui l’Arabie et le Qatar. Selon la logique de realpolitik dont certains nous abreuvent à propos de la Syrie et de l’Irak, à savoir laisser les dictateurs en place au nom de la stabilité et supporter leurs méfaits internationaux et terroristes, il faut donc aujourd’hui laisser les théocraties national-islamistes radicales d’Arabie et du Qatar en place et supporter leurs méfaits internationaux et terroristes !
Quelle est donc, réellement, la responsabilité de Georges W. Bush ? Peut-on vraiment lui reprocher d’avoir tenté de créer en Irak un état arabe enfin démocratique et pacifique qui servirait d’exemple de stabilisation et de développement aux pays alentours et qui serait une force régionale raisonnable et alliée face à l’Iran, face à la Syrie et face aux monarchies du Golfe ? Si on répond oui à cette question, autant reprocher également à Roosevelt d’avoir envahi l’Europe pour vaincre Hitler et Mussolini parce que selon cette logique, une Europe fasciste aurait été très calme et très stable, autant que l’Irak de Saddam et la Syrie d’El-Assad !
Évidemment qu’il y a des reproches à faire à Georges W. Bush. Le principal que je lui adresse, personnellement, est d’avoir démobilisé l’armée irakienne et renvoyé la fonction publique baassiste qui dirigeait l’Irak sous Saddam. En faisant cela, par idéalisme de renvoyer tous les complices de Saddam, même à bas niveau, il a envoyé dans l’humiliation, le chômage et la précarité des millions d’hommes expérimentés, déjà organisés en réseaux et n’ayant plus rien à perdre. On les a retrouvé dans les groupes terroristes qui ont tenu tête aux Américains après la chute de Saddam et on les retrouve aujourd’hui au sein de l’Etat Islamique. Abu Bakr El Baghdadi, le Caliphe de l’Etat Islamique, était un obscur fonctionnaire irakien sans envergure. Cette démobilisation massive de tout l’appareil d’Etat irakien est à mon avis la plus grosse erreur de l’administration Bush et c’est une erreur qui n’a pas été faite en 1945 en Allemagne et au Japon où les Américains ont composé avec le personnel en place et n’ont jugé que les grandes têtes.
Mais quand on veut être objectif, comme sait l’être avec grande sagacité la presse et l’intelligentsia française, il faut voir tous les aspects d’un sujet. Oui, les erreurs de Bush en Irak ont rendu les choses difficiles. Mais celles d’Obama, comme de quitter l’Irak unilatéralement en 2011 malgré les supplications du gouvernement irakien de ne pas le faire, sont au moins aussi grandes.Et quand on parle des morts causés par les erreurs de Bush, il est équitable de rappeler aussi les vies sauvées. Comme les millions de vies sauvées en Afrique par le « President’s Emergency Plan For AIDS Relief » (PEPFAR), le Plan Présidentiel d’Urgence de lutte contre le SIDA en Afrique, avec son budget annuel d’entre 5 et 6 milliards de dollars qui ont empêché, depuis 2008, 1,1 million de morts liés au SIDA, ce qui représente un chute de 10% des morts liés au SIDA sur le continent africain.
Eh oui, Georges W. Bush est aussi le président américain qui se sera le plus investi pour l’Afrique et dans la lutte contre les maladies qui ravagent le continent africain. Même Obama, qui vient de demander un budget PEPFAR en baisse, pour la première fois de l’histoire de ce programme lancé par Bush en 2008 après son premier programme de lutte contre les maladies tropicales en 2003, sur conseil du « démon » Condolezza Rice, n’en fait pas autant.
Et n’en déplaise à tous nos chers gauchistes qui parlent toujours d’aider le Tiers-Monde, Bush est, à ce jour, l’homme qui a fait le plus pour l’Afrique que tous les programmes humanitaires larmoyants du monde entier. Et aujourd’hui à la retraite, il s’investit personnellement en Afrique dans des projets humanitaires.
On continue à taper sur ce Grand Satan de Bush et à idéaliser le gentil et inoffensif Poutine ?
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Pug
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