Le drapeau des Français

NOTE CGQDI: L’Armée de l’air est une institution apolitique et laïque et aucun des propos contenus dans cet article ou ce site ne représente ou ne reflète les positions officielles de l’Armée de l’air qui n’a pas à se prononcer sur de tels sujets. Les propos de cet article et de ce site n’engagent que leurs auteurs.

Drapeau de la 25ème Escadre de Bombardement, aujourd’hui drapeau de la Base Aérienne 106 « Capitaine Michel Croci » de Bordeaux-Mérignac.

De ma fenêtre, je vois trois drapeaux français, dont le mien. Je suis heureux de voir ça.

En Juillet 2000, à l’issue de mon Ecole des Officiers de Réserve de l’Armée de l’Air, qui s’appelait « Commandant Guedj » (ce qui indique que c’est sous le patronage d’un officier aviateur Juif des Forces Aériennes Françaises Libres que je suis devenu officier), j’ai été présenté au Drapeau.

La « PAD » ou « Présentation au Drapeau » est le moment qui couronne la formation initiale de tout militaire français. Durant cette cérémonie, devant les jeunes militaires fraîchement formés, le Chef de Corps, ou l’autorité supérieure qui préside la cérémonie, appelle le Drapeau et sa Garde. Le Drapeau de l’unité est porté par un officier et escorté par 5 hommes armés et la Garde au Drapeau vient se positionner devant les jeunes militaires. Le Chef de Corps explique l’histoire de l’unité, rappelle les valeurs de la République et la signification du Drapeau.

Lors de ma cérémonie, c’est le Général de Division Aérienne D., commandant des écoles de l’Armée de l’air qui a officié. Le Drapeau de l’Ecole des Officiers de Réserve de l’Armée de l’Air, porté par le Lieutenant P., devant nous, nous avons écouté avec attention et émotion, au garde à vous, main gauche serré sur le poignard à la dragonne d’or des officiers, l’histoire de notre école qui, juste après nous allait fermer ses portes. Derrière nous, sur la Place d’Armes, un gigantesque drapeau français flottait en haut du mat.

A l’issue de son rappel historique et civique, le Général a déclamé: « Promotion 2000 Delta, Voici votre Drapeau! » et nous avons tous regardé avec fierté ce Drapeau des EOR auquel nous étions présenté. A dater de cet instant, nous étions autorisé à saluer le drapeau, chose qui est interdite avant de lui être présenté. Dès lors, lorsqu’un drapeau français est hissé ou ramené en notre présence, nous devons arrêter séance tenante tout activité et face au drapeau, saluer jusqu’à ce qu’il soit déployé ou replié.

Les mots ont un sens et cette cérémonie de « Présentation au Drapeau » a une signification particulière. Alors que d’autres prêtent serment sur le drapeau de leur pays, nous, militaires français, nous lui sommes présentés. Il y a une forme de personnification de la Nation, représentée par le Drapeau, et après avoir satisfait aux exigences minimales pour servir, nous sommes présentés au Drapeau et par lui, à la Nation dont nous sommes dorénavant les protecteurs. J’aime beaucoup les valeurs de cette cérémonie. La France, cette vieille, grande et belle dame, représentée par le Drapeau, attend ses fils et filles pendant qu’ils s’élèvent au niveau où ils pourront servir et lorsqu’ils sont prêts, ils lui sont amenés pour qu’elle les reconnaisse. Au-delà de l’aspect mythologique, on y distingue l’importance de la communauté nationale, par la symbolique du Drapeau, la nécessité de l’effort pour pouvoir la servir, la noble retenue d’une cérémonie sobre où les jeunes militaires d’une part et le Drapeau d’autre part, se rencontrent et se reconnaissent mutuellement. L’absence d’un serment d’allégeance, que certains regrettent, me parait pour ma part très importante. La France ne demande pas de serment parce qu’elle fait confiance à ses enfants et ses enfants n’ont pas besoin de lui jurer fidélité parce qu’elle fait partie d’eux-mêmes.

J’ai toujours souffert, depuis 15 ans, de l’absence de drapeaux français dans la vie courante. Le drapeau français semble réservé aux administrations publiques, armées, mairies, gendarmerie, comme s’il n’était que le drapeau de l’Etat et pas celui de la Nation française. Il sort périodiquement pour de grandes rencontres sportives mais sinon, il reste douloureusement absent de la vie quotidienne.

Il est temps, grandement temps, que les Français s’approprient ce drapeau qui est le leur. Il est le drapeau d’une révolution citoyenne en 1789, il est le drapeau des soldats citoyens de l’An II en 1793, il est le drapeau d’un peuple français qui a pris son destin en main, dans les valeurs de liberté, de droits de l’homme, de république démocratique, de séparation des pouvoirs et d’Etat de Droit.

Il est temps que le Drapeau Français devienne le Drapeau des Français.

—-

Pug