Netanyahu et le Mufti, bis…
Je me marre bien en voyant les réactions à la phrase de Netanyahu sur la responsabilité du Mufti dans la Shoah.
Parmi ces réactions, de nombreux politiciens reprochent à Netanyahu d’avoir fait de la politique en se servant de l’histoire. Et ils montent sur leurs grands chevaux pour s’opposer fermement à ces méthodes… en faisant exactement la même chose !
Je n’ai encore pas vu une condamnation politique des propos de Netanyahu qui soit un tant soit peu basée sur une réflexion historique. On invoque des grands noms d’historiens et de chasseurs de nazis et on se range courageusement derrière leur avis. Avis qui, soit dit en passant, est à mon sens bien souvent trop succinct et trop dans la réaction pour apporter une pierre décisive à l’édifice. J’ai même lu un article de quelqu’un qui, dans son titre, entend répondre à Netanyahu en tant que « vrai historien de la Shoah ». Voilà en fait où on en est : des réactions politiques et des diktats d’autorité morale.
Pour ma part, pas historien, pas diplomate, pas chasseur de nazi, pas de « grand seigneur pour couvrir de son nom », j’en reste à ma propre analyse et à ma propre synthèse de ce que j’ai pu lire, depuis des années, sur ce sujet. (Je précise depuis des années parce que je pense en effet qu’il est préférable de découvrir la complexité de la Shoah bien avant d’être obligé de réagir aux propos de Netanyahu.) Je pense que Netanyahu a voulu résumer en un paragraphe court une situation très complexe et que ce n’était pas chose à faire parce que la Shoah ne se résume pas facilement.
Mais à ceux qui hurlent au révisionnisme, voire au négationnisme et qui veulent nous faire rentrer dans la gorge qu’Hitler, dès l’écriture de Mein Kampf, a imaginé au détail près toute l’extermination des Juifs d’Europe, je souhaite rappeler que je vis pas très loin du Camp d’Internement de Gurs et que le Camp de Gurs a été l’un des théâtres de la seule déportation de Juifs d’Europe vers l’Ouest. En effet, à l’automne 1940, les Juifs Allemands de Bade et du Palatinat sont déportés vers la France et nombre d’entre eux terminent leur périple dans le cloaque insalubre du Camp de Gurs où 1073 d’entre eux périront dès le premier hiver et d’où plus de 3000 seront à nouveau déportés vers Auschwitz en 1943.
Et cette seule déportation vers l’Ouest a une explication : le Plan Madagascar. Le IIIème Reich pensait, à une époque, à plusieurs solutions à la question juive dont, en effet, la déportation vers Madagascar. La déportation des Juifs Allemands de Bade et du Palatinat vers le Sud de la France était la première phase de ce plan rapidement abandonné face à l’évolution géopolitique.
Eh oui, il y a eu plusieurs options de solution à la question juive avant d’en arriver à la « solution finale à la question juive dans la sphère d’influence » entérinée définitivement à la Conférence de Wannsee de Janvier 1942. La Shoah ne commence pas à cette date, en effet. Elle commence en fait dès que la question juive se pose pour le IIIème Reich et devient dès les premières actions un crime contre l’humanité mais il faut aussi arrêter les simplifications stupides et reconnaître les faits historiques : sa forme définitive, en extermination systématique industrielle standardisée telle qu’elle est symbolisée par Auschwitz, n’est établie, dans les faits, qu’entre 1941 pour la décision et 1943 pour sa forme pratique finale.
Pug
Pour se défendre lors de son procès, Eichmann avait évoqué cette affaire de déportation vers Madagascar.