Octobre dix-huit, un poème de Pug
Octobre dix-huit
Un poème de Pug
Une gare fraîche aux lueurs blafardes, nous sommes en octobre dix-huit
Un soleil d’automne salue les voyageurs sous l’abri de style belle époque
On y perçoit presque les ombres bleues horizon montant au sang et au choc
Partant de la Caserne Bernadotte de Pau, fief du régiment d’infanterie dix-huit
Mes yeux se ferment quand le train s’ébranle et me voila assis au milieu d’eux
Capitaine d’aviation aux galons dorés et hélice ailée sur vareuse bleue marine
J’observe ces poilus, des jeunes à fleur au fusil et des anciens usés par le feu
Les adjudants moqueurs face aux arrogants Cyrards et leurs moustaches fines
Je le sais, beaucoup vont disparaître ou revenir avec la honte d’une gueule cassée
Du loin de mon siècle d’écart ou du haut de mon Nieuport, j’assiste à leur mort
Les rires bravaches vont laisser place aux larmes de rage et aux cris terrorisés
Je les vois comme des frères ces aïeux dont par amour je voudrais partager le sort
Pour ceux qu’ils aiment, ils s’apprêtent à tout donner, leur vie, leur sang, leur bonheur
En sacrifice de chair et de courage pour que les leurs vivent et soient sauvés de la peur
Acceptant d’expier des fautes et des erreurs commises par des veules et des menteurs
Rejoignant, sous la croix de leur tombe, l’exemple de celui qu’ils prient à la dernière heure
Mes yeux s’ouvrent à nouveau, parcourant les paysages de leur chère France, embués
Suis-je digne d’eux, de leur sacrifice, de leur bravoure, moi qui n’ait jamais rien donné ?
Au revoir, mes chers aïeux et frères d’armes d’octobre dix-huit tant aimés et regrettés
J’aimerais tout sacrifier à vos côtés mais il me revient de vivre et par ma vie de vous honorer
N.B.: Le 18ème Régiment d’Infanterie, stationné à Pau depuis 1871, part au front le 6 août 1914 avec 3326 hommes dont 57 officiers et 4 médecins.
Entre août 1914 et novembre 1918, le Régiment perd 3200 tués et plus de 10 000 blessés, ayant participé entre autres, aux batailles de la Marne, du Chemin des Dames, de Craonne de la Somme et de Verdun. Les 25 et 26 mai 1916, à Douaumont, en seulement deux jours, le 18ème RI perdra 25 officiers et 900 hommes en tenant ses positions.
Décoré de la Croix de Guerre et de la Médaille Militaire, le 18ème RI rentre solennellement à Pau le 30 Juillet 1919.
Merci Pug pour ce simple mais poignant hommage.