Pour l’étoile de David
Ce texte n’est autre que le tout premier texte de Pug sur le sujet d’Israël, publié en 2008 sur son blog personnel (ne cherchez pas, il n’existe plus!) lors du retour des corps Ehud Goldwasser et Eldad Regev et où il s’est d’ailleurs trompé (heureusement) sur le sort de Guilad Shalit. On sent déjà l’émotion empreinte de sourde colère qui montait.
Ce soir, il me vient à nouveau à l’esprit des mots anciens d’une sagesse millénaire. Il s’agit du Cantique de l’Arc que le Roi d’Israël, David, composa pour étancher son immense douleur. Il venait d’apprendre la mort au combat de son prédécesseur, le Roi Saül, et surtout de son grand ami et frère de cœur, le prince Jonathan. En voici des morceaux choisis.
« L’élite d’Israël a succombé sur tes collines ! Comment des héros sont–ils tombés ?
Ne l’annoncez point dans Gath, N’en publiez point la nouvelle dans les rues d’Askalon, De peur que les filles des Philistins ne se réjouissent, De peur que les filles des incirconcis ne triomphent.
Montagnes de Guilboa ! Qu’il n’y ait sur vous ni rosée ni pluie, Ni champs qui donnent des prémices pour les offrandes ! Car là ont été jetés les boucliers des héros, Le bouclier de Saül ; L’huile a cessé de les oindre.
Devant le sang des blessés, devant la graisse des plus vaillants, L’arc de Jonathan n’a jamais reculé, Et l’épée de Saül ne retournait point à vide. […]
Comment des héros sont–ils tombés au milieu du combat ? Comment Jonathan a–t–il succombé sur tes collines ? […]
Comment des héros sont–ils tombés ? Comment leurs armes se sont–elles perdues ? »
Mon cœur saigne, ce soir, pour deux soldats israéliens, Ehud Goldwasser et Eldad Regev. Ces deux hommes, soldats en uniforme et en service commandé, furent kidnappés en juillet 2006 quand le Hezbollah, prétendu parti de la résistance libanaise, fit une incursion de plusieurs kilomètres en territoire israélien, tuant au passage plusieurs de leurs compagnons.
La riposte israélienne fut aussi terrible qu’inutile. Trente-quatre jours de bombardements et de combats contre un ennemi fuyant et qui avait choisi un terrain de combat bien particulier : l’opinion publique. Pendant trente-quatre jours, l’opinion publique internationale a vu la machine de guerre israélienne écraser sous les bombes et les chenilles un Liban qui se relevait à peine de la guerre civile. Pendant tout ce temps, le Hezbollah combattit juste ce qu’il faut pour tenir les israéliens en haleine, mais son vrai combat était dans les médias : faire passer Israël pour une nation agressive et criminelle qui massacre tout sur son passage.
Le Hezbollah n’est qu’un ramassis de terroristes et de criminels instrumentalisés par les fondamentalistes religieux et l’Iran qui n’a qu’un seul but : la destruction d’Israël. Bien entendu, cet objectif est masqué sous un vernis romantique de résistance héroïque contre un oppresseur surpuissant, version librement adaptée et très ironique du combat de David et Goliath. La réalité est que le Hezbollah est un état indépendant niché dans la nation libanaise, qui possède sa propre armée, son propre drapeau et son propre système de télécommunications. Comme l’OLP au début des années 70, le Hezbollah est aujourd’hui un défi permanent à la souveraineté de l’Etat libanais qui, d’ailleurs, est militairement prié de se taire, de dire merci et même, selon le syndrome de Stockholm, d’adopter la rhétorique officielle du Hezbollah. Dans la pratique, le Hezbollah ne s’occupe pas du Liban mais s’en sert comme d’une base militaire pour ses opérations contre Israël. Son système de télécommunications indépendant et ses réseaux sous terrains de combat et d’observation, le long de la frontière avec Israël, en témoignent. Le Liban, petit pays qui n’a pas eu vraiment de chance dans l’histoire, est d’ores et déjà condamné à la désolation et à la guerre, soit parce qu’il s’oppose frontalement au Hezbollah, soit parce qu’il ne le fait pas et subit les ripostes dévastatrices d’Israël.
Ce soir, la victoire médiatique du Hezbollah se transforme en véritable triomphe romain. Les guerriers valeureux, ceux qui tuent à coups de crosse des fillettes, rentrent au pays sous les vivats, déguisés en soldats de façon à donner une légitimité politique à des crimes barbares. De l’autre côté, les israéliens accueillent des corps. Enfermés dans des cercueils noirs, Ehud Goldwasser et Eldad Regev, sont remis entre les mains de leurs frères d’armes. Simplement, sobrement.
Dans quelles conditions ces soldats sont-ils morts ? S’ils étaient blessés, comme le prétend le Hezbollah, pourquoi des soins appropriés n’ont-ils pas été apportés ? Pourquoi la Croix-Rouge n’a-t-elle pas été informée régulièrement du sort et de l’état de ces deux soldats ? La moindre des choses, ce soir, serait d’ouvrir une enquête internationale sur la capture, les conditions de détention et les circonstances du décès de ces deux soldats, théoriquement protégés par les conventions de Genève.
Etre Israélien ne sera jamais chose facile. Jérusalem, la ville de David, la capitale du Royaume de Salomon et le lieu de la présence de Dieu, est l’une des villes les plus contestées de l’histoire, prise et reprise des dizaines de fois, détruite en cendres à plusieurs reprises. Le Royaume d’Israël et plus tard celui, dissident, de Juda seront soumis, annexés, combattus. Déjà, leurs ennemis étaient syriens et égyptiens et leurs autres ennemis habitaient les régions de la Jordanie, de l’Irak, de l’Iran. L’histoire n’est vraiment qu’un éternel recommencement.
Le droit à l’existence d’Israël ne fut jamais et, visiblement, ne sera jamais reconnu. Le reste du monde ne semble pas tolérer un état hébreu indépendant. La résistance des israélites aux Syriens, aux Assyriens, aux Perses, puis aux Romains était vraisemblablement à ce point insupportable qu’il faille les détruire, les disperser, les massacrer. Même lorsqu’ils n’étaient plus rien, apatrides marginalisés dans les nations occidentales, il fallait les réduire, les détruire, comme en France avec l’Affaire Dreyfus et surtout la Solution Finale en Allemagne Nazie. Encore aujourd’hui, les israéliens ne peuvent prendre un bus sans risquer d’exploser, ne peuvent se rendre à l’école sans craindre une fusillade, ne peuvent aller au boulot sans risquer d’être écrasé par une pelleteuse ou ne peuvent regarder la télé chez eux sans risquer de prendre une roquette sur le crâne!
Chose éminemment insupportable, les soldats qui défendent le droit de leurs familles à vivre en paix dans leur terre historique ne peuvent espérer rentrer chez eux s’ils sont capturés par l’ennemi. On peut rappeler le cas oublié du Lieutenant-Colonel Ron Arad, l’aviateur israélien abattu au sud Liban et qui a tout simplement « disparu » après pourtant que le Hezbollah ait déclaré l’avoir capturé ! Ce soir, Ehud Goldwasser et Eldad Regev ont au moins l’honneur de pouvoir reposer auprès de leurs proches, à défaut de pouvoir vivre auprès d’eux.
Le Hezbollah ne rend que des morts et il faut clairement s’interroger sur le traitement des israéliens par des salauds qui ne résistent sans doute pas au besoin compulsif de « casser du juif » ! Dans ces considérations, on ne peut que trembler pour le soldat franco-israélien Gilad Shalit. Ces ordures, Hamas, Hezbollah ou autres, ne jurent toujours que par le serment du Grand Mufti de Jérusalem en 1948, le grand ami d’Adolf Hitler, qui voulait rejeter tous les juifs à la mer !
Il ne reste aux Israéliens qu’à combattre, combattre jusqu’au bout, combattre jusqu’à l’extrême limite et même au-delà.
Je ressens cette amertume, je partage la douleur. Moi aussi, ce soir, j’aurais voulu saluer avec les honneurs militaires les dépouilles des deux soldats reposant sous l’étoile de leur Roi légendaire. J’aurais voulu saluer ces modernes « hommes forts de David », tombés face à un ennemi qui refuse et rejette toute notion d’humanité.
Comment des héros sont–ils tombés ? Comment leurs armes se sont–elles perdues ? »
Pourtant, malgré la douleur et la colère, je voudrais aussi leur adresser une parole qui va à tout leur peuple.
Shalom, Ehud. Shalom, Eldad. Vous ne serez pas oubliés.
Pug, 2008