Le Songe d’Ariel
Alexandra SCHWARTZBROD
Ed. Gallimard 2012
15 €
Recension critique
Disons-le d’entrée de jeu et reconnaissons-le sans ambages : l’idée d’Alexandra Schwartzbrod est séduisante. L’ancienne correspondante de Libération à Jérusalem imagine le réveil d’Ariel Sharon sorti du coma où il est plongé depuis 2006 et redécouvrant son pays six ans plus tard. L’auteur y ajoute un zeste de génie quand la foule accourue prend pour le Messie cet homme décharné. Son charisme rallie à lui un peuple éclaté en quête de repères et de « paix durable et juste ». Le lecteur habituel de Libération comme l’adepte de la pensée dominante comprendront aisément l’origine de la référence malgré l’inversion des termes. Une telle résurrection est pain bénit pour le romancier. Par la grâce bien involontaire du recul historique, le récit romanesque pouvait se prêter à une évaluation sereine et distanciée des mérites et des faiblesses de l’ancien premier ministre d’Israël et le tableau à charge de la société israélienne qu’elle y brosse -un agrégat inconstitué de minorités désunies – aurait pu gagner en indulgence.
Hélas, la séduction initiale ne dure justement que le temps d’un soupir avant que l’attirance mutuelle ne se frotte aux réalités plus prosaïques de la vie commune. Schwarztbrod, en quelque sorte, y mange son pain blanc. Le lecteur de bonne volonté qui, au nom de l’honnêteté intellectuelle et de l’inquiétude pour un pays menacé dans son existence même, chercherait dans la fable d’Alexandra Schwartzbrod autre chose que le discours perpétuellement ressassé de la réprobation d’Israël en sera pour ses frais. Je lui conseillerai donc d’économiser ses quinze euros. Le collectionneur de souverains poncifs et de réflexes conditionnés sur le conflit israélo-arabe tout comme la brebis égarée de la Propalestine y trouveront en revanche de quoi brouter allègrement. Le « vieux salaud », le « défaiseur de paix », le massacreur, le déclencheur d’Intifada, le bâtisseur du mur qui balafre la Palestine et ne reconnaît pas son ouvrage effrayant – je respecte la lettre et l’esprit des citations -, ne trouve grâce devant Libération qu’à la condition de s’étonner soi-même de tant d’aveuglement et de renier l’oeuvre accomplie. Gageons d’autre part que si la correspondante de Libération jugeait les sociétés musulmanes, arabes et palestinienne à l’aune de la sévérité et de la partialité dont elle accable la société israélienne, ces perles du Moyen-Orient, de honte, se seraient déjà auto-dissoutes… Devant ce mausolée de mauvaise foi qu’est Le songe d’Ariel, je songe sérieusement à écrire une fable qui s’intitulerait Le cauchemar de Yasser dont je vous laisse deviner le scénario…
Je n’ai pas la place ici de réhabiliter un homme qui mérite mieux que les imprécations hystériques dont les terroristes ou leurs défenseurs complaisants nous abreuvent. L’Histoire fera la part des ombres et des lumières de celui qui a incarné le sursaut d’Israël aux pires heures de l’Intifada après le refus palestinien de l’offre de paix d’Ehud Barak.
Pour ma part, je retiendrai simplement de cette image que n’a jamais oubliée le jeune homme de vingt ans que j’étais à l’époque de la Guerre du Kippour. Après le franchissement du canal de Suez par sa division et la bataille du « déversoir », après l’encerclement de la III° Armée égyptienne, après avoir sauvé Israël de la destruction et le peuple juif d’un nouvel anéantissement, voilà un général épuisé, un pansement blanc sur le front, qui s’endort à même le sol. Arrive un de ses soldats qui vient étendre une couverture sur son général. Ce geste biblique reste gravé dans ma mémoire. Je n’ai pas de citation des Juges ou de verset des Prophètes pour cet homme, mais j’aimerais lui dédier ces deux simples vers :
Soldat, dans le linceul de la légende noire, Je taille le manteau de votre simple gloire.
AJF
Un commentaire
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Dommage effectivement mais un si grand personnage historique ne peut pas être raconté par un insignifiant journaliste de Libé. Il lui faudrait un homme à sa hauteur, un véritable et grand écrivain.