Goys in Eretz, dernier jour
Nous devions essayer. Nous n’avions pas pu samedi ni dimanche mais ce lundi, nous allions y aller. L’opération « Aire d’Ornan » était prévue à 7h30 à l’entrée de la passerelle près du Kotel. Les Goys allaient monter sur le Mont du Temple.
L’Aire d’Ornan est, selon la Bible, le champ qu’acheta le Roi David au Jébusien Ornan et sur laquelle son fils, le Roi Salomon, construisit le Temple, selon le Second Livre des Chroniques chapitre 3:
« Et Salomon commença de bâtir la maison de l’Éternel à Jérusalem, sur la montagne de Morija, où l’Éternel était apparu à David, son père, sur l’emplacement que David avait préparé dans l’aire d’Ornan, le Jébusien. Et il commença de bâtir le second jour du second mois, en la quatrième année de son règne. »
Levés à 6h45, nous quittons l’hôtel à 7h et retrouvons rapidement les ruelles de Jérusalem, encore fraîches de la nuit mais se réchauffant déjà sous un soleil radieux. Nous allons vite, ce matin, c’est presque opération commando. Nous craignons l’afflux de monde mais nous craignons aussi les caprices politiques.
Voyez-vous, c’est sans doute la première fois de notre vie que nous avons été discriminés. Samedi, en voulant aller sur le Mont du Temple, on nous a répondu qu’on ne pouvait pas y aller librement parce que nous n’étions pas musulmans. Nous ne pouvions y accéder qu’entre 7h30 et 10h, parce que nous sommes des infidèles, des insoumis. Par curiosité, Pug a demandé à nos guides ce qui se serait passé s’il avait déclaré être musulman. Ils ont répondu qu’il aurait dû passer un interrogatoire, récitant des prières islamiques et détaillant des principes de foi musulmanes. Pug a rétorqué qu’il ne pensait pas que chaque musulman qui monte sur le Mont du Temple subît cet interrogatoire et ils ont répondu qu’en effet, ceux qui avaient le « bon » faciès entraient sans problème mais qu’avec sa tête d’occidental, Pug ne pouvait y couper. La police israélienne, qui contrôle les accès au Mont du Temple, aurait donc fait un délit de sale gueule contre nous parce que nous n’avons pas une tête à être musulmans ! Qui a dit que les Goys ne critiquent jamais Israël ? Là, nous critiquons même franchement cet apartheid qui autorise l’accès sans restrictions aux musulmans mais restreint les autres sur des questions d’appartenance ethnique ou religieuse et qui le fait pour respecter la sensibilité exacerbée et politiquement manipulée d’une communauté au détriment de celle d’autres ! Nous repensons au discours du maire de Deir El Assad qui réclame l’égalité, en début de semaine et nous nous demandons, de façon faussement naïve, s’il est prêt à proposer aussi l’égalité totale d’accès au Mont du Temple pour tous. Nous, nous ne reconnaissons pas d’égalité à double vitesse. Si tous les citoyens d’Israël sont égaux en droits (et en subventions, c’est bien ça qu’il réclamait), cela vaut aussi dire contraindre le Waqf à ouvrir le Mont du Temple sans restrictions.
Mais laissons ces digressions de râleurs, l’opération « Aire d’Ornan » est en cours. Nous montons sur la passerelle de bois qui mène à l’Esplanade en passant par-dessus la partie du Kotel réservée aux femmes. Nous passons par une porte sombre où les policiers, ainsi que plusieurs personnes en civil, nous observent. Rien sur nous ne prête à confusion. Nous n’avons même pas pris les sacs à dos offerts par le KKL qui sont estampillés « Israël ». Ma casquette ne porte aucun insigne. Enfin, nous y sommes. Nos yeux sont rapidement attirés par les vestiges de colonnes anciennes, à droite de l’entrée et nous nous demandons quel est leur origine ? Nous déambulons devant Al Aqsa, photographiant ce qui capte notre regard. Nous dépassons la mosquée pour nous diriger vers le coin sud-est de l’Esplanade. D’après plusieurs auteurs, c’est là que se situerait la salle du Sanhédrin où Jésus comparut devant Caïphe avant d’être emmené à la forteresse Antonia. Mais des cris nous empêchent d’avancer plus avant. Ne cherchant pas l’affrontement, on obtempère facilement. Lentement, en vrais touristes, nous déambulons et nous approchons du Dôme. Nous essayons de ne pas attirer l’attention. Il est palpable que la plupart des personnes qui sont là à cette heure sont des musulmans qui surveillent l’Esplanade sans en avoir vraiment l’air. J’avise une zone de l’Esplanade, près du Dôme, où il n’y a personne. Un rapide coup d’oeil autour de moi. Je suis seul avec Jeep non loin. « Tu es prêt pour une photo ? ». Je n’en avais pas parlé mais il comprend immédiatement. Il jette aussi un coup d’oeil autour. Ma main, dans ma poche, attrape mon écusson et je le fixe sur ma casquette, en ayant l’air de l’ajuster. Sans geste brusque, tranquillement, je la recoiffe et je prends la pose. L’étoile de David, sur notre logo, est sur l’Aire d’Ornan, achetée par David pour que Salomon puisse y construire le Temple. Objectif atteint. Mais nous ne voulons pas faire d’esclandre et mettre nos hôtes du KKL en porte-à-faux, donc nous en restons là. Je retire discrètement l’écusson de ma casquette et nous reprenons notre promenade, accompagné par Nicolas, du KKL. Nicolas est Cohen, de la famille des Sacrificateurs, l’un des rares qui, théoriquement, peut accéder à l’emplacement de la cour du Temple, réservée aux prêtres. On n’est pas peu fier d’avoir escorté discrètement un Cohen jusqu’ici, en se disant que certains s’étrangleraient s’ils le savaient ! On ne peut s’empêcher de noter le nombre de corbeaux qui sont présent sur l’Esplanade, le symbole nous parait pour le moins particulier. Mais le temps passe et déjà, il faut penser à redescendre. Nous voulons retourner au Mur des Lamentations où c’est le jour de lecture de la Torah. Nicolas veut revêtir les Tefiline et nous sommes heureux d’assister à cela. Pour ne pas attirer l’attention, Pug ôte sa casquette pour mettre une kippa, ce qui fait marrer Nicolas qui lui dit que tant qu’il a la tête couverte, tout va bien. Jeep décide de rester en arrière, par respect pour ceux qui prient. Pendant que Nicolas est au Kotel, Pug reste aussi un peu en arrière et voit arriver deux garde-frontières qui revêtent également les Tefiline. Tout d’un coup touché par la différence d’avec le Mont du Temple, quelques mètres plus haut… Ici, personne ne regarde les visiteurs de travers, personne ne semble même y prêter attention. Personne ne nous demande si nous sommes Juifs. Seul le rabbin qui assiste Nicolas pour mettre les Tefiline demande si on veut faire de même. Lorsque Nicolas lui explique qui nous sommes, il sort deux petites cartes comportant une prière pour les non-juifs d’un côté et les 7 lois Noahides de l’autre. Non seulement, en tant que non-juifs, nous ne sommes pas rejetés mais nous sommes même invités à prier au Mur, aux côtés des Juifs, dans le respect de notre différence.
Le temps de quelques photos, près du Mur, puis à la porte de Jaffa avec des Magav, et il faut rentrer. Nous partons en direction de Lod mais sur la route, une dernière étape, très émouvante également, nous attend. Au Parc de France Adoulam, lieu de commémoration des réalisations du KKL de France, nous sommes invités à planter un arbre chacun.
Nous sommes très heureux de planter cet arbre, pour participer au splendides efforts du KKL et pour remercier nous hôtes nous y mettons un soin particulier, heureux comme des gosses de nous salir les mains avec cette terre d’Israël que nous avons déjà bien parcouru. L’enthousiasme de Pug est tel qu’un des journalistes invités, le trouvant visiblement ridicule, le prend à part pour lui dire qu’il le sent prêt pour la conversion et prendre un fusil pour patrouiller à Gaza. Mais la moquerie ne saurait gâcher le moment. Il m’en faudrait franchement plus.
Puis vient le moment de prendre la route pour l’aéroport et de dire au revoir à ce pays et à ce peuple que nous aimions déjà beaucoup et qui est devenu pour nous une réalité, de paysages, de sons, d’odeurs, de nourriture (beaucoup !) et de visages. La nuit, déjà, est tombée quand le Boeing 747 d’El Al décolle de Ben Gourion et que nous nous éloignons de la Terre Promise qui a tenu toutes ses promesses, jusqu’au modèle de l’avion qui nous emmène. Il y a déjà longtemps, nous prenions souvent le 747 pour traverser l’Atlantique Nord et nous aimons beaucoup cet avion, dans lequel, pourtant, Pug a failli mourir en février 1981 au-dessus du Canada.
Dans un dernier geste d’Israël envers nous, ce 747 nous ramène à Paris, le coeur et l’âme chargés d’images, d’émotions et d’une détermination renouvelée d’aimer Israël et le peuple Juif autant que Dieu nous en donnera la force.
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Pug & Jeep