Goys in Eretz, Premier jour
Une fois arrivés à Tel Aviv, un bus nous emmène à Haïfa où nous sommes installés pour la première partie du séjour. Le trajet est un peu frustrant. Il fait nuit noire et nous ne voyons presque rien. Nous ne réalisons toujours pas où nous sommes même s’il est évident que nous sommes en Israël. Pour l’instant, nous sommes dans un bus sombre où les vitres ressemblent à de grands murs noirs qui nous bouchent la vue.
Lorsque nous arrivons à Haïfa, nous comprenons vite que le KKL traite éminemment bien ses invités. Nous ne situons pas encore bien où nous sommes mais le nom de l’hôtel aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Nous descendons au Dan Carmel, situé sur l’un des sommets du vaste Mont Carmel. L’accueil, partout, est très chaleureux et souriant. L’équipe du KKL se démène pour faciliter chaque étape et détail et nous sommes rapidement installés dans la chambre que nous allons partager. Pour nous, la chambre est luxueuse. D’un très bon goût décoratif, elle a toutes les commodités, y compris la télévision incrustée dans le miroir de la salle de bains, première fois que nous voyons ça, mais elle a surtout une vue à couper le souffle sur la ville et la baie de Haïfa.
Nous repartons très vite, vers le restaurant d’un autre hôtel, qui possède une baie vitrée spectaculaire sur la baie de Haïfa. Le repas est copieux, l’ambiance est détendue jusqu’au moment où Pug, et sa grande gueule, aborde la question du traitement par la presse du conflit israélo-palestinien, ne réalisant pas qu’il est assis à une table de journalistes. Les réactions sont teintées de surprise et d’agacement et la discussion se fixe sur l’appellation du Mont du Temple, les journalistes étant surpris des propos de Pug. Daphna Pinkas, notre guide, vient au secours de Pug et confirmant que seule la langue française utilise l’appellation « Esplanade des Mosquées ». Mais heureusement, Jeep est là et autant Pug est le théoricien impétueux et parfois pédant, autant Jeep est le sage doux et toujours diplomate qui tempère les mauvais effets que l’attitude de Pug peut entraîner
En fin de dîner, les membres du groupe avec lequel nous allons passer la semaine se présentent tour à tour et expliquent leur présence. Il y a des chefs d’entreprise, des journalistes, des avocats, des experts de think tank, des professeurs de collège, des animateurs sociaux, des membres du KKL et même le Grand Rabbin de la Place des Vosges. Le programme et l’esprit du programme de la semaine nous sont expliqués et l’un de nos guides, Jean Charles Zerbib, recommande d’abandonner temporairement la mentalité française et d’adopter la mentalité israélienne de parler sans prendre de gants, de poser les questions qui fâchent et de se confronter à l’opposition sans en prendre ombrage. A ces propos, Pug se sent évidemment un peu soulagé, suite à son départ sur les chapeaux de roue avec des journalistes qui le regardent tout de même avec un œil méfiant.
La nuit est désormais ce qui nous sépare du vif du sujet et c’est avec un peu d’impatience que nous voyons se lever le soleil sur la baie de Haïfa que Jeep photographie pour comparer avec la photo de la veille. La vue est véritablement à couper le souffle, de jour comme de nuit.
La veille, le KKL nous a promis une forte intensité d’activités et un marathon de bouffe phénoménal et entre le dîner du premier soir et le petit déjeuner, ils tiennent largement leurs promesses ! Il paraît rapidement évident qu’il va falloir gérer l’effort de nourriture comme des sportifs de haut niveau. Le risque fatal serait d’atteindre un poids qui nous contraindrait à voyager en soute lors du vol retour !
Nous quittons l’hôtel pour rejoindre le sommet des jardins Bahaï de Haïfa, de notoriété mondiale. Nous y sommes accueillis par une dirigeante de la communauté Bahaï mondiale qui nous explique l’origine et les grands principes de la foi Bahaïe, ainsi que l’histoire de son fondateur, le Perse Baha’u’llah, chassé d’Iran et réfugié dans l’Empire Ottoman au XIXème siècle, maintenu sous surveillance jusqu’à son décès, à Saint Jean d’Acre. Ces jardins, sans valeurs spirituelles ou religieuses, sont l’écrin de verdure autour du Mausolée qui renferme son corps et autour duquel s’est développé le centre administratif de la foi Bahaïe. Depuis les jardins, nous apercevons l’extérieur du Dan Carmel où nous logeons et nous commençons à mesurer la qualité du voyage et du séjour que le KKL nous a si généreusement offert.
Nous descendons les jardins jusqu’à la salle d’exposition de la communauté Bahaï où nous attendait le secrétaire général des Bahaï ainsi qu’une collation. On a déjà l’impression d’être dans « Le Seigneur des Anneaux » avec le petit-déjeuner, le second petit déjeuner, la collation, le déjeuner, le goûter, le souper, le dîner et le digestif et il n’est que 10h du matin !
Tout de même, en Protestants qui protestent et en béarnais qui ont toujours un caillou dans la chaussure pour tout le monde, on ne peut s’empêcher de noter que ces jardins Bahaï sont installés sur le Carmel, lieu biblique où le Prophète Elie a ridiculisé les 450 prophètes de Baal en montrant qu’ils adoraient un faux dieu et menait Israël en erreur. Coïncidence sans doute, ou pas du tout, l’homme honoré dans ces jardins a un nom, « Baha’u’llah », qui sonne assez proche de « Baal » et il repose sur le Mont Carmel. Mais ce serait sans doute être plus juif que les juifs !
Mais surtout, ce que nous inspire le Mont Carmel, c’est une réflexion sur le Prophète Elie, s’opposant, non loin de là sans doute, au Roi Achab et aux prophètes de Baal, allant contre vents et marées, pressions royales et opinion publique défavorable, seul contre tous pour faire triompher la vérité. Si on veut se mettre dans le bain, rien de tel que cet exemple pour résumer la situation d’Israël au Proche-Orient !
Changement complet d’ambiance ensuite avec la visite chez Elbit Systems, entreprise de haute technologie d’armement et d’aéronautique, que Pug l’Aviateur et Jeep l’Informaticien ont suivi comme des gosses dans un magasin de jouets. Nous y sommes reçus par le Vice-Président d’Elbit ainsi que par le chef de la division instruction des Drônes, un ancien pilote de F-4 Phantom II de l’IAF. Autant vous dire que Pug a hésité à se laver la main après la lui avoir serrée ! Après une présentation de l’entreprise, nous nous dirigeons vers un hangar où l’un des drônes est exposé puis nous revenons vers une salle de présentation où différents produits d’Elbit sont exposés. L’idée, bien évidemment, est de montrer la modernité du jeune Etat d’Israël et sa compétitivité sur des marchés de haute technologie. Sans doute aussi s’agit-il de préparer un peu le terrain à une implantation d’Elbit en France ! Le Vice-Président ne cache pas l’ambition de sa société, déjà présente ailleurs en Europe et travaillant avec Airbus, Thalès et Dassault, de s’implanter durablement en France.
La matinée touche déjà à sa fin et nous sommes attendus à notre prochaine étape, celle que Pug attend avec le plus d’impatience : La base d’Instruction de la Marine israélienne à Haïfa. La base est insérée dans le tissu urbain de Haïfa, puisqu’elle est proche du port et le bus évolue dans les méandres des rues pour enfin déboucher sur une guérite, entourée d’hommes en armes. Une charmante jeune militaire monte à bord et dans un français parfait se présente comme notre guide pour ce passage sur la base. Elle s’appelle Shannon, elle est en tenue beige avec un insigne naval à l’épaule, le pantalon rentré dans les rangers et elle porte son béret sous l’épaulette droite. Elle est surtout d’un enthousiasme communicatif qui ne ressemble pas du tout à l’aspect martial et très cadré de l’armée française, à laquelle nous sommes davantage habitués. Les photos ne sont pas autorisées et il n’y a qu’au Mess, lors du déjeuner que nous pourrons en faire. Nous sommes rassemblés sur la place d’armes pour une photo de groupe et un discours d’accueil du Capitaine de Frégate, commandant en second la base, avant d’être séparés en petit groupes pour une meilleure fluidité de visite. La visite, malheureusement rapide, montre surtout les capacités d’instruction des équipages de sous-marins, avec des simulateurs de conduite et de navigation mais aussi une immense maquette de sous-marin, coupée en son milieu et où chaque pièce du sous-marin est répertoriée. Les sous-mariniers doivent mémoriser l’emplacement de chaque pièce et savoir se mouvoir mentalement dans le sous-marin avant même de mettre un pied à bord. L’instruction semble d’une rigueur très sévère qui tranche quelque peu avec l’apparente décontraction d’attitude et même un peu de tenue des Marins qui nous accompagnent. Il n’y a aucun laisser-aller, évidemment, mais l’on perçoit que la discipline israélienne insiste davantage sur les nécessités opérationnelles que sur les questions de « savoir-être », chères aux instructeurs français.
Pendant la visite, en côtoyant les jeunes marins francophones, Pug tente de savoir s’ils connaissent les Goys mais fait chou blanc. Un peu dépité, il tend tout de même une carte de visite des Goys à l’une d’elles et poursuit la visite. Mais soudain, il aperçoit Shannon qui le pointe du doigt, en pleine conversation avec d’autres marins. Shannon connait les Goys et semble ravie de les rencontrer, commençant à expliquer à ses camarades ce que nous faisons. A l’issue du repas, Sarah et Shannon viendront faire à Pug l’honneur de poser avec lui pour l’un des plus grands succès en « j’aime » sur la page Facebook des Goys et pour un soudain sursaut de volontariat pour la Marine Israélienne.
Il était déjà très émouvant d’être en Israël mais cette visite des marins de Tsahal restera un souvenir très particulier pour nous. Leur jeunesse, leur enthousiasme, leur engagement, leur amour d’Israël et leur fierté d’appartenir à Tsahal nous a émus et a renforcé notre détermination à défendre leur réputation sur Internet et les réseaux sociaux. Ce sont des jeunes méritants, à la vitalité communicative, qui ne méritent pas les flots d’insultes et de haine dont ils sont abreuvés à longueur de temps. Qu’ils reçoivent ici toutes les salutations et le respect admiratif des Goys qui défendent Israël.
La fin de la journée a été consacrée à la découverte des Druzes du village de Daliat El Carmel, une facette méconnue de l’ouverture de la société israélienne et qui mérite d’être creusée par les aficionados d’un « apartheid israélien ». Reçus par le Maire dans une salle de réception, en présence d’enfants prêts pour un spectacle folklorique et de notables religieux, nous avons pu nous initier à cette communauté particulière mais tellement engagée et fière de son implication dans la société et l’armée israéliennes. En nous rendant sur place, il était intéressant d’entendre le président du KKL de France, Robert Zbili, expliquer les origines des Druzes et de percevoir son admiration pour cette communauté de guerriers redoutables qui a payé un très lourd tribut à la défense d’Israël. Rien de très surprenant pour quiconque àa des notions d’histoire militaire française et connait les combats terribles de l’armée française dans le Djebel Druze de Syrie dans les années 1930 !
La soirée, grandiose, au stade de Haïfa, en présence du maire de la ville, avec des raffinements d’élégance, comme une harpiste dont les mélodies ont capturé Jeep, a été le moment du sprint final de la journée de bouffe mais surtout de plusieurs interventions passionnantes des autorités religieuses qui ont mis en avant les possibilités de vivre ensemble dans un pays ouvert et déjà influencé par des origines du monde entier.
Clairement, et il a été très bien reçu, le message de la journée était qu’Israël est un pays jeune, dynamique, moderne, ambitieux et qui compte au rang de ses ambitions un modèle unique de vie paisible et complémentaire de différentes communautés qui ne prennent pas leurs différences pour des fossés infranchissables.
Pour résumer en une phrase et c’est que nous ressentions à l’issue de cette première journée, Israël est un pays « normal » qui laisse chacun vivre et qui demande simplement qu’on le laisse vivre.