Sisak, le choc et la promesse de Pug

« Car à beaucoup de sagesse, beaucoup de chagrin; et qui augmente la connaissance, augmente la douleur. » Ecclesiastes 1:18

J’ai tenté de faire un direct depuis Belgrade, où je suis revenu pour quelques semaines de complément de formation professionnelle dans l’aviation, mais la connexion est mauvaise et je ne sais pas ce qu’il en reste. C’est égal. Cela me contraint à écrire, ce qui m’aidera aussi à gérer la colère et la tristesse.

J’expliquais dans ce direct que j’ai traduit en anglais mon article sur les camps de Jasenovac et de Sajmiste ou la Shoah a déployé des monceaux d’horreurs en Yougoslavie, à l’attention de mes camarades et collègues ici en Serbie. Mon ami et compagnon de recherche Slavoljub m’a remercié de l’avoir écrit, m’indiquant qu’eux-mêmes n’apprenaient pas tout ce que j’y expose. Mais il a rajouté que je devais poursuivre mes recherches car je n’y mentionnais pas le camp de concentration pour enfants.

Arrivée d’enfants à Sisak

Mon visage a du se tordre ou mes yeux se perdre à cette évocation parce qu’il a immédiatement mis sa main sur mon épaule en réconfort. En rentrant, j’ai cherché et, comme je l’ai dit dans le direct, avec mes excuses aux proches et amis que je vais lourdement inquiéter avec ce propos, en découvrant le camp de concentration pour enfants de Sisak, je me suis entendu demander à Dieu de m’ôter de cette terre parce que je ne supporte plus tout ça.

Sisak a été ouvert par les Oustachis Croates, les forces de l’Etat Indépendant de Croatie qui comprenait la Croatie, la Bosnie et une partie du nord de l’actuelle Serbie, au ordres d’Ante Pavelic. Les Oustachis ont dépassé dans l’horreur tout ce qu’on peut imaginer et je pense qu’il faut remonter à Gengis Khan et aux Mongols pour retrouver une telle barbarie. Sauf que Gengis Khan a vécu au 12ème siècle alors que certains Oustachis et leurs complices sont toujours en vie. Plus de 6000 enfants Serbes, Juifs et Roms y passèrent. Entre 1/4 et 1/2 y sont morts dans des conditions de vie infectes et soumis à des gardes d’une brutalité sauvage, allant jusqu’à prendre certains enfants par les pieds et les taper contre un mur jusqu’à ce qu’il n’en reste rien.

Et s’il n’y en avait eu qu’un. Mais il y a eu aussi Jastrebarsko qui, comme Sisak, dépendait de Jasenovac. Et des enfants furent aussi internés avec leurs mères et les femmes du Camp de Gorna Rijeka

Des enfants au camp de Jastrebarsko

J’en ai le coeur retourné. J’en suis hagard et profondément bouleversé. J’ai voulu me confronter à l’horreur de la Shoah pour témoigner. J’ai étudié, je me suis documenté, je suis allé où j’ai pu aller pour me rendre compte et je continuerais. J’ai voulu comprendre, voir, lire, pour pouvoir à mon tour dire la vérité et ne jamais la laisser être négligée. Mais je n’ai jamais eu l’approche froide d’un universitaire thésard. C’est mon coeur et mes tripes qui ont voulu voir, malgré une sensibilité que beaucoup estiment exacerbée.

Eh oui, le Pug que beaucoup admirent s’est toujours pris pour une chochotte. J’ai toujours eu cette sensibilité extrême, certainement pathologique, que j’ai toujours pris pour de la faiblesse et de la fragilité. Et j’ai voulu montrer que ce n’était pas le cas. Je suis devenu officier, alors qu’on me poussait à être objecteur de conscience en pensant que je ne tiendrais pas. J’ai sauté en parachute pour être à la hauteur de mes frères marsouin et chasseur para. Je me suis plongé dans les recherches, cherchant à me confronter aux faits et à l’histoire, tant sur Israël que la Shoah, pour ne jamais avoir la faiblesse de me laisser mener par le bout du nez. Et j’ai pris position pour Israël, pour la mémoire de la Shoah, sans faiblir et parfois en m’opposant aux craintes et doutes au sein de ma propre famille et parfois à l’hostilité de gens que je pensais des amis. Suis-je une chochotte? Quand vous aurez 3 barrettes sur les fourreaux, un brevet para sur la vareuse, que vous aurez crapahuté des centaines de km en rangers et que vous vous serez fait un nom à défendre des gens que tant sur terre haïssent et sous la menace de ruiner votre vie sociale et votre carrière, j’écouterais votre avis.

Dortoir des enfants à Stara Gradiska, à même le sol

Mais là, ce soir, je souffre, terriblement. Derrière ce décorum avec lequel a voulu montrer qu’il était un homme, Pug pleure parce que son coeur de petit garçon n’a jamais vieilli. Je pleure pour les enfants de Sisak, de Jastrebarsko, de Gorna Rijeka, de Lobor et leurs familles de Jasenovac, Stara Gradiska, Jadovno, Metajna et tous les autres camps et lieux de concentration de « L’Etat Indépendant de Croatie »

Mais je pleure de rage aussi, pour les Serbes et la Serbie que l’on a bombardé et roulé dans la fiente de nos médias et de nos condamnations diplomatiques sans que jamais on ne prenne en compte, dans notre fine analyse géostratégique de la situation, le drame terrible vécu par ce pays et ce peuple en 14-18 ou 1/3 de la population a péri ou en 41-45 ou près d’un million de personnes ont été assassinées par le Fascisme Croate et le Nazisme et qui a été ensuite violé et réduit en esclavage idéologique par la fourberie des Communistes de Tito.

Les mêmes personnes qui, dans les années 90, nous ordonnaient d’intervenir contre la Yougoslavie et contre l’apartheid raciste et génocidaire Serbe sont les mêmes à peu de choses près que ceux qui nous ordonnent d’intervenir contre Israël et l’apartheid raciste et génocidaire Juif. Et le font, qu’ils en soient conscients ou non, au profit des mêmes bénéficiaires. Ce n’est pas un hasard, j’en suis persuadé, si l’on retrouve en Yougoslavie le sinistre visage du Mufti de Jérusalem, « saint patron » de la cause palestinienne et dont on a assuré la victoire posthume dans les Balkans. On cherche aujourd’hui à le faire vainqueur posthume en Israël.

Femmes et enfants à Gornja Rijeka

Non. Tournez les choses comme vous le voudrez. Dites-moi que ma position n’est ni chrétienne ni biblique, voire même que je suis hérétique. Dites-moi que je détruis ma vie pour un combat qui ne me concerne pas. Dites-moi que je suis trop sensible et que ma vraie place est dans un asile de fous. Je n’en démordrais pas. J’aime les Juifs, j’aime les handicapés, j’aime les Serbes, je suis un disciple de Jésus et je ne me tairais pas. Ni pour Jérusalem, ni pour les simples d’esprit à qui est le royaume des cieux, ni pour Belgrade. Je suis un anti-Nazi fondamental. La guerre contre eux et leurs idées est très loin d’être terminée et jusqu’à ma dernière prière, je serais leur adversaire.

Vous voulez vous débarrasser d’eux pour assurer, selon vous un monde meilleur et plus pur? Il faudra vous débarrasser de moi aussi et je me doute bien que vous y prendrez plaisir.

Pug