Goys in Eretz, une nuit à Jérusalem
Jérusalem nous a kidnappés. Cette ville a quelque chose de très particulier mais pour le raconter, au risque de nous répéter, il faut commencer le récit à la veille au soir, peu après notre arrivée. Généreusement installés par le KKL au Leonardo Plaza, nous nous sommes préparés pour le Shabbat et, après l’entrée de Shabbat à la Grande Synagogue, nous sommes descendus prendre une bière au bar de l’hôtel avec notre ami Nicolas. C’est alors que Robert Zbili nous présente une dame au sourire éclatant et au visage rayonnant de joie qui, en l’espace de quelques instants, allait devenir véritablement notre Maman Juive de Jérusalem ! Myriam A. souhaitait nous rencontrer et les souhaits d’une mère juive sont des ordres ! De plus, nous avons eu la surprise de nous rendre compte qu’elle est la maman, la vraie maman, de Hava, une amie que Pug apprécie beaucoup !
Nous prenons ce repas de Shabbat en compagnie de Myriam, assise entre nous deux et dont l’amour d’Israël et de Jérusalem est contagieux. Très vite, elle perçoit qu’on est pressés de découvrir la ville, et d’un oeil amusé nous propose de nous y guider, le soir même, après le repas.
La pauvre ne savait pas ce qui l’attendait, hélas ! Notre discours reçoit un franc succès et nous voilà pris dans d’interminables conversations et sollicitations. L’heure avance et plus l’heure avance, plus l’envie d’aller voir la Vieille Ville grandit. Mis au courant de notre idée, le Président du KKL mondial nous le déconseille fermement. Un américain a été poignardé le matin même et le niveau d’insécurité est important. Mais Myriam, avec une douce assurance, nous dit qu’elle y passe tous les jours, même le soir, et qu’il ne faut rien craindre. Un autre nous conseille de nous changer pour ne pas avoir l’aspect de Rabbins. Nous écoutons cette précaution et nous passons en chambre enfiler un blue jeans. Mais rien, visiblement, ne saura nous détourner de l’appel de Jérusalem. Il faut dire, en toute humilité, que l’attitude calme et tranquille de Myriam n’invite pas du tout à la peur et que nous nous sentirions un peu remis en cause dans notre virilité si nous refusions cette sortie par peur d’une agression qui n’effraie pas Myriam !
Ce n’est que passé minuit que nous abordons la Vieille Ville, accompagnés de Nicolas et de Myriam. Comme guide, on pouvait difficilement rêver mieux ! Myriam habite tout près de la Vieille Ville et poste chaque matin des photos du lever de soleil sur Jérusalem. Elle n’est pas seulement passionnée, elle est habitée par Jérusalem. Elle en connait l’histoire, l’archéologie, les légendes et les moindres recoins. Nous traversons le parc Gan Haatsmaut puis longeons le cimetière Mamilla pour déboucher sur le Mamilla Mall, une artère piétonne commerçante magnifique, mélange de vieilles pierres et de boutiques modernes. Au détour d’une place, Myriam nous fait prendre des escaliers sur notre gauche et nous voyons apparaître la muraille. L’émotion nous prend. Certes, ce sont les murailles ottomanes du XVIème siècle et non pas la ville de David ou celle du temps de Jésus mais tout de même. Nous sommes seuls à des centaines de mètres autour. Jérusalem semble s’être réservée pour nous et ses murailles, éclairées depuis le sol, paraissent déjà nous parler. Nous poursuivons vers le sud, jusqu’à la Porte de Jaffa.
A la Porte de Jaffa, un groupe de Gardes-Frontières, les fameux Magav, M-16 en bandoulière et l’air méfiant, est posté. Mais on voit vite qu’ils sont en compagnie de deux jolies jeunes filles auxquelles ils comptent fleurette.
Pug veut aller leur parler et s’approche. Ils sont méfiants mais il n’y a aucun geste hostile ou même de préparation à une défense. Pug engage la conversation et dès qu’il présente les Goys qui défendent Israël, les regards s’adoucissent d’un seul coup, les sourires naissent et la conversation s’engage. Commandés par un officiers supérieur de 30 ans, ils sont visiblement ravis de parler à des amis d’Israël. Le Commandant cherche sur son smartphone la page des Goys et clique « j’aime » sous les yeux de Pug. La conversation pourrait être surprenante pour des antisionistes ou un quidam abreuvé de télévision française. Les Magav sont très jeunes, ils plaisantent facilement, sont très avenants et surtout, ils tiennent un langage de paix et de détente. Ils n’en veulent à personne, n’ont pas d’animosité envers quiconque et soulignent le nombre de Druzes, de chrétiens et même de musulmans dans leurs rangs. Ils veulent la paix et aller à la plage. Assises à quelques mètres, les deux jeunes filles qui étaient le centre d’attention des Magav semblent quelque peu dépitées de s’être fait voler la vedette mais les Magav sont vraiment ravis de nous parler et nous encouragent à continuer ce que nous faisons, pour nos valeurs communes de liberté, de démocratie et de paix dans le respect de chacun. Ils se prêtent avec plaisir à la photo qui scelle ce moment très sympathique qui confirme, encore une fois, ce que nous pensons et constatons depuis notre arrivée en Israël. A chaque rencontre avec les « hommes forts de David », même lorsque ce sont les filles de la Marine (clin d’oeil à Shannon et Sarah), cette volonté de paix et de liberté et cet enthousiasme pour Israël, pourtant loin de tout nationalisme agressif, nous frappe. Israël a une richesse humaine, pétrie des valeurs fondatrices de la liberté et du respect de l’humain, qui vaut tout le pétrole du monde et nous n’avons pas fini de nous en rendre compte.
Enfin, après avoir pris conseil auprès de nos nouveaux amis, nous nous enfonçons dans le dédale des ruelles, aux pavés lustrés par tant de passage et qui brillent sous la lumière blafarde de l’éclairage publique, guidés par la grande connaissance de Myriam autant historique qu’archéologique. Pour ceux qui nous trouveraient téméraires ou fous, les gardes-frontière sont postés, par binômes ou trinômes, tous les 200 mètres environ, parfois derrières des barrières de police. Les rues sont vides. Jérusalem pour nous tous seuls ! Nous nous arrêtons parfois pour parler avec les Magav. L’un d’entre eux nous demande de marcher sans mettre les mains dans les poches. Dans les ruelles, on sent parfois une tension un peu plus grande qu’à la Porte de Jaffa. Mais il faut dire que l’environnement est anxiogène : petites ruelles étroites, sous voûte, constellées de portes et de débouchés d’où la menace peut venir à chaque instant, la lumière blafarde et le silence, un silence de soldats qui attendent que l’ennemi ouvre le bal. Mais la plupart des Magav sur le trajet ne sont pas sur leurs gardes et sont vissés sur leurs smartphones. Certains, comprenant que nous sommes français, se lancent dans notre langue et confondent avec l’Espagnol ou l’Allemand. Un « Guten Tag » nous salue alors qu’on s’éloigne. « Bonne nuit et Shabbat Shalom », répondons-nous.
Myriam nous emmène sur une terrasse qui surplombe le Kotel et c’est là que, pour la première fois de nos vies, Jeep et Pug, nous avons aperçu l’Esplanade du Temple et sa muraille.
Poser ses yeux sur de si vieilles pierres, objet de tant de vénération, de larmes et de conflits, sur un endroit fondateur, à divers niveaux de tout ce que nous sommes, c’est indescriptible. Pour la gérer, presque comme une injonction impérieuse, le mieux est, dans le secret de son coeur, de parler à Dieu. Quelle bénédiction d’avoir avec nous Myriam qui nous explique tout, nous détaille tout, de long en large et en travers, avec une passion et une patience touchantes !
Alors, nous descendons. En nous approchant, nos yeux sont attirés par une scène émouvante. Un jeune couple d’orthodoxes, attendant un bébé, est assis sur des chaises en plastique dans la partie commune, légèrement tournés vers l’endroit où était jadis le Temple et passaient là, ensemble, dans le calme et la douceur, ce début de nuit de Shabbat. Quel beauté dans la simplicité de ce jeune couple devant le Mur.
Nous nous approchons, après avoir revêtu la kippa, en silence, pour ne pas troubler les prières ou le sommeil de ceux qui se sont endormis sur leur pupitre de lecture. L’instant est très émouvant. Le Mur Occidental se dresse devant nous et nous toise de ces millénaires d’histoire, de larmes et de prières. Derrière ce mur, c’est Jérusalem l’historique, la spirituelle. Derrière ce mur, c’est la Montagne de Sion.
Ce que nous avons ressenti, en mettant les mains sur le Kotel, permettez-nous de garder cela pour le secret de nos coeurs…
Après que nous ayons rejoint Myriam, qui est allée prier du côté réservé aux femmes, nous parlons de l’entière enceinte du Mont du Temple et nous nous interrogeons sur d’autres pans de mur qui pourraient être également visibles. Les yeux de Myriam brillent lorsqu’elle nous propose de nous rendre au Kotel Hakatan, le petit mur. Nous décidons d’y aller. Il faut alors nous enfoncer un peu dans le quartier arabe et nous interrogeons les gardes-frontières qui nous laissent y aller. Nous reprenons le dédale des ruelles et finissons par déboucher sur un passage, nous dit Myriam, qui mène à l’Esplanade. Au fond de la ruelle, sur les marches d’une grande porte en bois vert qui mène à l’Esplanade, trois jeunes arabes sont assis et tripotent leurs portables. Nous nous dirigeons vers eux puisqu’il faut passer dans un étroit passage qui mène au Kotel Hakatan. Les regards sont méfiants et hostiles mais Pug le leur rend bien. Après les avoir dépassés, Pug décide de fermer la marche pour pouvoir discrètement garder un oeil en arrière pendant qu’on se dirige vers le petit Mur. Le matin même, deux personnes ont été poignardées à Jérusalem et, sans être paranoïaque, il faut être vigilant. Nous arrivons enfin dans une étroite cour où un pan du mur de l’Esplanade est accessible. Le Kotel n’est que la partie la plus connue et surtout la plus accessible du Mur d’enceinte du Mont du Temple mais ce « Petit Kotel », à l’écart des circuits habituels de tourisme, est également accessible, dans une configuration sans doute proche de ce qu’était l’accès au Kotel avant 1967.
Au retour, Pug décide encore de fermer la marche et une fois passé les trois gardiens de la porte, il s’éloigne lentement et, faisant mine de regarder les murs autour et au-dessus de lui, garde le visage tourné vers eux pour leur montrer ostensiblement qu’ils sont dans son champ de vision et ne le surprendront pas. Précaution un peu paranoïaque mais peut-être pas totalement inutile.
Nous reprenons le chemin de la Porte de Jaffa, en discutant toujours et en croisant toujours les gardes frontières qui sont sympathiques mais nous demandent encore de sortir les mains des poches ! L’atmosphère est si paisible, l’air si doux, les ruelles tellement vides que c’en est un moment féérique et irréel. Quel plaisir d’avoir vécu ce moment grâce à l’énergie et l’enthousiasme de notre Maman Juive qui n’a pas l’air déçue de nous avoir rencontrés ! Hélas pour elle, les heures s’écoulant, de retour à la Porte de Jaffa, nous retombons sur les Gardes Frontières qui discutent cette fois avec un Britannique, non-juif chrétien qui soutient Israël et qui nous raconte s’être fait tabasser dans la Vieille Ville il y a quelque jours à cause d’un t-shirt sioniste. La conversation, évidemment s’engage et nous ne nous en sortons plus, sans compter que l’un des Gardes Frontières est passionné d’aviation !
C’est à 3h du matin que nous quittons Myriam pour rejoindre notre hôtel alors qu’elle rentre chez elle et nous rentrons avec un sourire émerveillé, l’esprit sur un nuage et les yeux rêveurs. Nous sommes à Yerushalaim et nous réalisons enfin. Il nous tarde le lendemain !
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Pug & Jeep
NB: Nous avons réduit au maximum les photos pendant cette soirée, par respect du Shabbat et il n’y donc pas de photos de la remise des cadeaux, très peu de photos de notre virée nocturne dans le Vieille Ville et aucune, tristement, avec Myriam. Il faudra donc y retourner pour en faire !